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Comment décoder la tromperie sur les critères du langage corporel ?

 
 
 
Décoder le mensonge sur des critères corporels peut être aléatoire ou plus sérieux selon la méthodologie mise en œuvre. 
Le spécialiste, qui pense que le décodage du mensonge se fait à partir de l'identification  des émotions risque de se trouver dans l'impasse. En revanche, celui qui prend en compte cet axiome : le menteur retient la vérité et il place son corps sous contrôle, verra sa tâche facilitée, surtout dans l'exercice de décodage d'une commission chargée d'expliciter des mécanismes frauduleux.

Dans la première optique, la plus hasardeuse,  il s'agit de chercher à repérer des émotions et dans la seconde, de rechercher la vigilance corporelle.

 

Pourquoi on ne parvient pas à décoder la tromperie en recherchent à repérer des émotions ?

Au départ. le gros bon sens porte à croire qu'une personne menteuse est mal à l'aise. Or le comportement observé traduit généralement exactement le contraire (Kassin et al, 2004) ). Le menteur sait que s'il a l'air mal à l'aise il sera pris pour un menteur. La seule chose sur laquelle il se concentre. c'est d'avoir l'air sûr de lui. Alors que la personne qui dit la vérité, elle, ne pense pas à tout ça, si bien que si dans la vie de tous les jours, elle est plutôt  pataude ou empruntée, elle va avoir l'air d'une menteuse. 
Dans l'optique de ce même gros bon sens, on pense que le menteur ne regarde pas dans les yeux, alors qu'en fait il regarde davantage fixement son interlocuteur que celui qui dit la vérité ! (Kassin et Fong, 1999) 
Le menteur sait que s'il ne regarde pas son interlocuteur et  doute de ce qu'il dit, il risquera d'être démasqué, alors que la personne qui dit la vérité ne se pose pas toutes ces questions, et pour peu qu'elle soit introvertie, va avoir tendance à être prise pour une menteuse (Porter et Brinke, 2010). 

 

 

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DSK : que révèle son non verbal ?

Dominique Strauss Kahn s'est expliqué dimanche soir en entrevue sur TF1 à propos de ce que le monde des médias appelle désormais  "l'affaire de la chambre 2806" du Sofitel où il aurait agressé sexuellement une femme de chambre à New York. Agression pas agression ? Doit-on le croire, pas le croire ? Lui accorder du crédit, aucun crédit ?

 
Son intervention au journal de TF1 face à la journaliste Claire Chazal  était sans aucun doute murement réfléchie, les propos bien ciselés, les formules choisies. Mais nous attendions-nous vraiment à autre chose ?
 
Essayons par contre de comprendre ce que le corps de Dominique Strauss Kahn,  au delà des circonvolutions verbales avait, lui, le besoin de nous dire.

 

Un détail sautait aux yeux : ses clignements de paupières :

 
Comme la vérité demande moins de ressources cognitives que le mensonge, lorsqu'une personne ment, elle a tendance à moins cligner des paupières que si elle dit la vérité. (1) Par voie de compensation, une fois le mensonge réalisé elle se libère en clignant davantage. (2)
 
Dans cette entrevue, il y a eu deux temps : sa vie privée et la situation européenne. Concentrons-nous ici sur le thème de la vie privée (3).  0.27 clignements à la seconde pendant l'échange contre 2.6 clignements à la seconde après avoir parlé. Dix fois plus ! Du jamais vu lorsque la personne dit la vérité (4).
 
Il faut noter également que lorsque la personne a fini de parler, généralement elle laisse la bouche entrouverte  ou légèrement fermée et elle clôt fortement la bouche lorsqu'elle ment. Ici la bouche est fortement fermée après les fins de phrase (voir la photo ci dessus). Une telle tension de fermeture dans la bouche à de si nombreuses reprises, encore du jamais vu en situation de vérité.
Dominique Strauss Kahn  reprend le thème du complot  : "…un complot nous verrons", il cligne 9 fois des paupières en 2.2 secondes, ce qui fait plus de 4 clignements de paupières à la seconde (!) la bouche bien scellée…
 
Alors, oui, il est possible que DSK dise la vérité, oui tout est possible et le mensonge ne serait être reconnu que s'il y avait des aveux ou des preuves matérielles claires, mais l'homme a, convenons-en , des manières bien à lui de dire la vérité…
 
 
(1) Kyosuke Fukuda : Eye blinks: new indices for the detection of deception International Journal of Psychophysiology 40, 239-245
 (2) Leal Sharon et Vrij Aldert Blinking "During and After Lying" J Nonverbal Behav (2008) 32:187–194 
(3) Le dialogue autour de deux thèmes bien différents nous a permis de contrôler nos variables. Nous nous apercevons qu'il y a eu 0.27 clignements par seconde sur l'épisode relevant de sa vie privée, pour 0.34 pour les thèmes européens soit près de 30 % de plus.Le thème européen étant un thème plus technique et compliqué, nous aurions pu nous attendre à voir le contraire
(4)  Pendant la prise de parole : 191 clignements / 686secondes   =     0.27 sec    Après la parole : 39 clignements de paupières / 15 secondes =   2.6 sec
 Il faut noter que la caméra revenant sur la journaliste à la fin de chaque intervention de DSK pour qu'elle lui pose des nouvelles questions, des clignements après la fin de la prise de parole ont forcément été omis.

Nafissatou Diallo fait la une.

On ne savait pas à quoi s'attendre, maintenant nous savons un peu mieux… un peu…
A lire certains médias, l'observation de la communication de Nafissatou Diallo nous amènerait à penser que nous sommes en face d'une actrice effectuant un numéro et si c'est une actrice et si c'est un numéro, c'est donc que c'est une menteuse.
L'observation attentive de son langage corporel débarrassée des clichés du type "elle pleure sur commande", "le balancier des fessiers permet de mesurer le niveau de sensualité d'une femme"… "primitive"…(1) , il faut quand même poser quelques jalons.

Cette entrevue télévisée, la seule que Nafissatou Diallo donnera sur le fond avant le procès à un média télévisuel, a été préparée. Préparée ca veut dire que Nafissatou Diallo, victime ou menteuse, s'est entendue dire par ses conseillers : Il va falloir convaincre l'Amériqueil va falloir décrire, qu'on puisse comprendre... laver votre honneur

Elle a ensuite été mise en confiance par la journaliste qui l'a elle même préparée à cette logique de "performance", cette dernière peaufinant son scoop. Et le langage corporel de Nafissatou Diallo est devenu un langage que les synergologues qualifient de "spectaculaire", (plutôt que spéculatif ou spéculaire).
Sur cette base, aux dires de sa gestuelle seule, il devient très difficile de savoir si elle ment ou si elle dit la vérité et en tous les cas de trancher de manière définitive.

Pour un spécialiste du langage corporel, savoir si quelqu'un ment ou dit la vérité lorsqu'il y a un véritable enjeu n'est pas très difficile, mais à une condition, celle d'avoir toutes les données du problème.
Prenons deux exemples, l'instant privilégié pour connaitre la vérité est le moment précis ou la question est posée, car certains micromouvements (qui durent moins d'une seconde) sont observables sur la personne interrogée, avant même qu'elle puisse composer une attitude. Or ici , systématiquement (comme dans presque toutes les émissions mesdames et messieurs les réalisateurs), lorsque la journaliste pose la question, la caméra est centrée sur… la journaliste.

Un autre bon indice consiste à voir comment se comportent les mains lorsque la personne communique entre les questions, ici le bandeau ABC cachait systématiquement les mains.

Pour savoir si quelqu'un ment ou dit la vérité sur les bases d'indices du langage corporel, il faut que la personne qui est interrogée, le soit par une personne spécialiste du langage corporel car elle saura rebondir et questionner immédiatement à partir des non congruences corporelles ou si ce n'est pas le cas, que le synergologue dispose de la totalité de l'entrevue filmée.

Dans cette affaire d'agression sexuelle présumée, les synergologues auront l'occasion de se prononcer encore, et même de trancher de manière très nette si des évidences corporelles se font jour, mais si pour le moment nous faisions, tous, appel à davantage de tempérance, pensez-vous que ce serait vraiment préjudiciable à la connaissance de la réalité des faits… ?

(*) Voyez à partir de la vidéo dont une image a été extraite, ce que la tristesse provoque systématiquement en termes de dissymétries du visage, le visage gauche plus fermé (pour faire écho à d'autres messages de ce blogue) . Il est certain qu'une bonne actrice peut fabriquer ce type d'item, une bonne actrice …