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L’effet Pygmalion et Françoise David

Dans ce blogue, nous allons décrire le phénomène qui permet de comprendre que le fait de gagner un débat politique, du type du débat des chefs de ce soir, n'est pas lié directement avec la qualité de la prestation des chefs. Et qu'en outre, le langage corporel est central dans ce processus.

Ce soir, 27 mars 2014, au Québec, le second débat va opposer les quatre principaux dirigeants de partis québécois dans leur course pour devenir Premier ministre du Québec.
Comme dans tout débat, des spécialistes vont être conviés à donner leur avis sitôt le débat terminé, et avant même que les sondages ne s'en mêlent, tenter de répondre à cette question : Qui a gagné le débat ?

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Obama Romney ou Obama Mc Cain : Les six débats gagnés dés la poignée de mains

 

     Le seul débat perdu par Obama
    Romney tient l'avant-bras d'Obama

Il est dit que la première impression décide souvent de la nature d'une relation, et la plupart des auteurs s'accordent à dire qu'elle se fabrique dans les esprits en moins d'une seconde, c'est dire son importance. (1) 

Dans les débats politiques, un seul moment permet d'observer les leaders d'un seul regard, c'est le moment où ils se serrent la main.  Ensuite durant toute la durée du débat le regard du téléspectateur ira sans cesse d’un candidat à l'autre mais il n‘aura plus l’occasion de les embrasser tous les deux d’un seul coup d’œil. La poignée de mains filmée n'est donc pas un élément d'interprétation à négliger. 
 
Barack Obama a institué un nouveau code de communication à ce moment stratégique de la rencontre : le fait de toucher son adversaire avec l'autre main que celle de la poignée de mains dès la rencontre. Personne ne l’avait fait avant lui. Dans les premiers débats, les candidats étaient déjà assis au moment de la prise d'antenne de la  télévision. Ensuite dans la période des débats Bush-Clinton, ils ont commencé à se saluer debout sur le plateau en se serrant la main, mais  personne n'avait donc encore osé poser sa main sur le bras ou l'épaule de son concurrent et marquer ainsi son empreinte sur lui en début de rencontre. 
C’est avec le sénateur Mc Cain que Barack Obama, dès son premier débat a bousculé la règle qui voulait que les adversaires politiques ne se touchent pas. Trois fois durant les trois débats il posa la main sur l'épaule ou le bras de Mc Cain, et la laissa ainsi déposée sur lui, bien visible à l'œil de la caméra après que l'autre ait cessé de lui serrer la main. Il gagna les trois débats. La règle observée dans le monde animal, voulant que le dominant marque sa domination par son toucher prononcé, semblait pouvoir s'appliquer à l’être humain au grand plaisir de feu Charles Darwin.
 
Dans les débats l'opposant à  Mitt Romney, les sondages ont donné Barack Obama vainqueur à la fin du débat deux fois sur trois, et il resta la main déposée sur son adversaire, après que l'autre se fut retiré… deux fois sur trois.
Barack Obama a perdu le premier débat et c’est précisément lors du premier débat que Romney a gagné "le duel" des poignées de mains. Sur la première photographie en bas à gauche, M. Romney continue de tenir l'avant-bras de Obama, alors que celui s'est retiré.
Dans les deux débats suivants la situation s'est inversée. Obama lui même reconnaît avoir perdu ce premier débat.
 
 
Et les cours de communication alors.. !
 
Les codes de la dominance sont bien connus de tous les leaders qui ont tous pris nombre de cours de communication leur permettant de faire à coup sûr la meilleure première impression. Le seul problème c'est qu'ils ont tous pris le même type de cours et le vrai dominant reste et restera celui qui est le vrai dominant. Ce n'est donc pas en prenant des cours de poignées de mains que le leader s'affirmera, contrairement à ce qu'on chercherait parfois à nous dire. Mc Cain avait bien essayé de rivaliser sur la durée de la poignée de mains avec Obama, mais il est arrivé un moment où mal à l'aise il a éprouvé le besoin de se retirer, alors qu'Obama continuait à tapoter tranquillement son épaule. 
 
Il est intéressant de noter qu’un gagnant de débat peut très bien être identifié par un public  regardant le débat, le son de sa télévision, coupé.  
Du point de vue de l'orateur, L’argumentation est sans doute moins importante que la confiance qu'il développe. Sa confiance en lui colore son discours et c'est elle qui lui permet d'être reconnu comme vainqueur au terme de la joute verbale. 
 
 
 
(1) Bar,M, Neta,M andLinz, H. (2006) Very First Impression.  Emotion, Vol. 6, No. 2, 269–278

Comment communique Pauline Marois ?

Le lendemain du premier des débats des chefs, au Québec, j'ai dit dans plusieurs médias que Pauline Marois était restée sereine durant tout le débat et plusieurs fois la même question m'a été adressée : "Ne serait-ce pas là un effet des interventions esthétiques (botox, infiltrations ou autres) qui ont tendance à gommer les dissymétries faciales et créer une expression de calme sur le visage?" Non.

Cette photographie de Pauline Marois est tirée du débat des chefs. Ce visage est ridé. C'est celui d'une femme de 64 ans. Des sillons sont visibles sur tout le visage, et la peau tombe sur le coin de ses paupières. Il est possible que la première ministre du Québec ait subi des traitements relevant de la chirurgie esthétique, mais il ne serait pas honnête de mettre la sérénité de la cheffe du parti québécois sur le compte d'autre chose que de la qualité de sa communication. D'ailleurs l'effet direct de la chirurgie esthétique est mesurable. C'est un effet de rigidité, pas de sérénité.


Qu'est-ce qui permet de dire que Pauline Marois avait l'air sereine ?
 
Entendons-nous bien, nous ne parlons pas ici de rhétorique politique, ce n'est pas l'enjeu. Nous parlons ici de la stricte communication de Pauline Marois.
Dès le démarrage du débat , Pauline Marois a dit "bonsoir" aux animatrices et sa bouche est restée entrouverte ensuite, signifiant sa détente intérieure. Elle est la seule des quatre chefs a avoir agi ainsi. Dans le même mouvement, elle cligna des paupières pour saluer les animatrices. La personne qui cligne des paupières fait entrer des images de l'autre dans son cerveau, traduisant très inconsciemment l'ouverture.  Là encore, elle est la seule, avec Jean Charest, à avoir réagi ainsi. Dans le premier segment, celui de la première prise de parole d'un temps identique pour tous les candidats, elle cligna 39 fois des paupières, comme Jean Charest, contre 9 fois chez François Legault. Elle était sereine, confiante. Les items corporels le traduisent hors de tout doute raisonnable. 
 
Elle ponctua son discours de gestes et tous ses gestes, en début de débat, ont été faits de la main gauche, alors qu'elle est droitière. La main gauche est connectée aux aires cérébrales du lien (1). On n'apprend pas à parler en utilisant la main gauche, cela se produit ou non selon les états émotionnels ressentis au moment du geste (2). Si ces mouvements  pouvaient s'apprendre, tous les leaders parleraient avec la main gauche. Il a fallu en réalité attendre 9,25 minutes pour que la main droite de Marois apparaisse.
Des quatre leaders, lorsqu'on les évalue, c'est elle qui a communiqué avec les gestes les plus hauts. Cette manière de faire est conforme aux observations montrant qu'en situation de dialogue, les leaders font toujours des gestes plus hauts que leurs collaborateurs. Ces études n'étant d'ailleurs pas contredites.
Si l'on considère l'espace occupé, c'est également elle qui s'est le plus déplacée, se tournant largement à droite et à gauche pour répondre à ses interlocuteurs. 
 
Et les deux autres débats
Dans les deux autres débats, certains commentateurs, sans nier le fait qu'elle ait pu être sereine, ont trouvé à certains moments Pauline Marois plus molle. Le rappel de certains  stéréotypes culturels est à ce égard on ne peut plus éclairant. 
Face à deux hommes à la voix forte et affirmée, il y a un moment ou une femme ne peut plus continuer à rivaliser dans les tons graves, sans risquer de voir son comportement qualifié d'hystérique (3). Pauline Marois se trouvait là face à un problème à solutio unique. Elle n'avait pas d'autre choix que de laisser finir celui qui coupait la parole, pour redémarrer ensuite sur un autre ton. Et ce, dans les deux débats avec Jean Charest et François Legault

 
Dans ces circonstances, la principale tâche d'un animateur digne de ce nom, ici Pierre Bruneau  de faire respecter le dialogue, c'est même la base de son métier. Ici sa fonction exigeait qu'il arrête les leaders trop impétueux. N'oublions pas que couper la parole est une technique de communication vieille comme la communication elle-même, et qu'elle est une technique efficace car celui qui parle le plus fort ou celui qui est le dernier à parler, est souvent perçu comme celui qui a raison, celui dont la parole est légitime. Or, ici l'animateur n'est jamais intervenu. 
Dans l'histoire des débats, aussi bien aux États-Unis qu'en France, jamais un animateur n'est si peu intervenu pour faire respecter le droit de parole.
 

Lorsque nous nous attardons aux indicateurs corporels et que nous établissons ainsi des comparaisons entre Pauline Marois et les autres chefs (ampleur de la gestuelle, hauteur des gestes, utilisation inconsciente de la main gauche ou de la main droite, forme du geste, déplacements faciaux, clignements de paupières, ouverture et mouvements de bouche, rotation de la tête, congruence mots-corps ), la communication de Pauline Marois a été de très haute tenue. Il faut passer, dépasser les enjeux idéologiques pour le dire ou le reconnaitre.

 

 

(1) Iaccino (1993) Left brain, right brain, différences inquiries, évidence and new aproaches, Hillsdale (N.J) . Lawrence Ernbaum, Associates 
(2) Feyereisen. P (1994): Le cerveau et la communication , Coll “ Psychologie d’aujourd’hui ”, P.U.F,  213 pages.
(3) Le ton, le timbre et l'intonation de la voix sont des composantes du langage non verbal. Seuls les mots sont ce qu'il est convenu d'appeler le verbal. Mehrabian A. (1972)  Nonverbal communication, Chicago, Aldine-Atherton , 1972.

Les codes de la séduction sur les affiches des chefs politiques

 
Les 6 principaux chefs québécois parmi lesquels se trouve le ou la future premier ministre…
 
Regardez ces photos. Ce sont les photos des chefs extraites des affiches électorales officielles. Elles ont été placées par ordre alphabétique. Elles ont été choisies parce que c'est sur ces photos que les chefs étaient le plus à leur avantage. Repérez-vous un point commun entre elles ?

L'axe de tête des candidats.

En fait il y en a un, l'axe de tête des candidats. Pour s'en rendre compte, il s'agit d'observer les oreilles de chaque candidat (!) et de se demander quelle est l'oreille la plus visible. 

Sur cinq des six images, l'oreille la plus visible est l'oreille gauche. Le profil gauche apparait donc comme étant le plus visible. Or le profil gauche est traditionnellement considéré comme le plus attrayant chez l'être humain.
 
Évidemment, les chefs au moment d'être photographiés ne pensent pas à mettre un hémi-visage en avant plutôt que l'autre. Tous ont même le sentiment de regarder l'objectif bien en face. Mais au moment de sélectionner les photographies, celles mettant en avant la partie gauche de leur visage même si les différences ont l'air très peu visibles, sont presque toujours considérées comme les meilleures par ceux qui les choisissent, et qui d’ailleurs ne connaissent pas cette règle. Notons qu'ici ce phénomène reste visible alors que les photographies ont été réduites en moyenne 20 fois.
Ce qu'il faut comprendre, c'est que plus une personne se détend, plus elle rayonne et plus l'axe de son visage piloté par le tronc cérébral place en avant la partie gauche.
 
Ces candidats adultes ne font que poursuivre ce qui s'est mis en place dès la naissance car la mère regardant son bébé dès sa naissance, lui présente (sans en avoir jamais conscience) pourtant davantage son hémi-visage gauche que son hémi-visage droit et regarde davantage sa partie gauche de visage que sa partie droite !
Si le langage corporel est si important c'est parce que les êtres humains, s'adressent des messages subliminaux qui leur permettent de se reconnaître, de s'apprécier, sans avoir besoin de se le dire, sans même être toujours conscients qu'ils s'envoient ces messages avec tellement d'évidence .

Les chefs ne connaissent pas ces codes. En revanche ils savent très bien que les codes de communication font partie de l'équation du charisme et que c'est même en partie grâce à eux, qu'ils ont été un jour reconnus d'abord, puis désignés ensuite comme chefs.

Blogue en lien :
Le visage gauche est considéré comme le plus beau aussi bien par les hommes que par les femmes. 

 

 
 
 
 
 

François Hollande : l’art de programmer la spontanéité.

 
 

Au cours du débat du 6 mai, François Hollande permit à la France qui ne le savait pas, de découvrir ce qu'était une anaphore, cette figure de style consistant à commencer une phrase par les mêmes mots.

Il scanda 16 fois, "Moi président de la république…"  présentant sous une forme originale sa conception de la fonction de président.
Certains ont trouvé ça très réussi, d'autres ont moins aimé, mais tous ont reconnu à cette occasion que le candidat était brillant.
Il convient de se demander si cette éloquence était spontanée…et elle ne pouvait pas l'être.
"Moi président de la république…" une allocution préparée
 

Une analyse attentive du langage corporel de François Hollande nous conduit à pouvoir affirmer que ce moment du débat ne pouvait pas être spontané. Il avait été préparé.

 

Ce, pour plusieurs raisons conjuguées

1. D'abord parce que François Hollande qui avait l'habitude de regarder systématiquement Nicolas Sarkozy dans les yeux avant d'attaquer chaque phrase (Image 1), s'est mis au moment ou il a commencé à dire : "Moi président…" à détourner son regard et ce durant les 16 moments d'anaphores (image 2).

En évitant son regard, il pouvait ainsi mieux se concentrer pour retrouver, réciter, ce qu'il avait préparé. D'ailleurs, aussitôt qu'il a cessé de dire "moi président de la république", il s'est remis à regarder Nicolas Sarkozy

2. Ensuite, parce que ses yeux partaient à gauche dans l'espace. C'est à cet endroit qu'ils se portent lorsqu'on cherche un évènement passé ou appris. Comme il parlait de son futur de président  nous aurions pu nous attendre à ce qu'il regarde à droite. Ce qu'il fit par ailleurs régulièrement en évoquant le futur, dans le débat.  Mais pas là.

3. Également parce que François Hollande clignait énormément des paupières dans ses débuts de phrase. Il mobilisait ses ressources cérébrales, pour rappeler l'information. 

 

 François Hollande est connu pour avoir une bonne mémoire et Nicolas Sarkozy a, ici, fait les frais de la qualité de mémoire du nouveau président de la république. 

Le  fait qu'un si long texte ait pu être appris et inséré, ailleurs qu'en introduction ou en conclusion d'un débat télévisé de grand prestige, constitue certainement une  première. 
Il n'est pas certain que cela se soit déjà vu dans aucun grand pays occidental. Preuve que même la spontanéité se prépare…

Pourquoi François Hollande pense avoir gagné le débat

 
Un débat télévisé se gagne en convainquant les personnes devant leur téléviseur, mais il se gagne peut être d'abord et avant tout dans les têtes des débatteurs . C'est parce qu'à un moment donné, il lui semble être meilleur que son adversaire, que le débatteur se met à prendre l'ascendant sur l'autre. Cette situation est classique, elle n'est pas propre au combat politique. Elle est la règle d'or de n'importe quel type de combat aussi bien intellectuel que physique.
 
Dans le débat Hollande-Sarkozy, un des deux débatteurs a bien gagné le débat dans sa tête, et ce assez rapidement, c'est François Hollande. 
 Mais comment est-il possible de le savoir, qu'est-ce qui permet de le dire ?
 
Lorsqu'une personne fait un bon mot, un mot dont elle est fière, un argument gagnant, elle peut finir sa phrase en tirant la langue, et c'est ce qui nous a été donné de voir ce soir, à de très nombreuses reprises dans la bouche de François Hollande, plus de dix fois, alors même que généralement la caméra se détournait des candidats pour revenir en plan large à la fin de leurs interventions. Cette langue est appelée "langue de délectation".
 
Il est même possible de dire que si François Hollande pense avoir gagné, Nicolas Sarkozy à mesure que le débat avançait développait le sentiment qu'il était en train de le perdre. Situation inverse à la situation vécue en 2007. 
Une personne qui communique avec les deux mains (ce qui est le cas de Nicolas Sarkozy et pas de François Hollande), lorsqu'elle se détend, se met à employer davantage la main gauche. En 2007, face à Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy,  avait fait  les trois derniers quarts d'heure en employant la main gauche davantage que la main droite, bien davantage, près de 80 % du temps. 
Cette fois ci, c'est précisément à la situation contraire à laquelle nous avons assisté Alors que Nicolas Sarkozy démarrait le débat confiant, employant très souvent la main gauche, à mesure que le débat avançait, il perdait de son assurance, et communiquait plus souvent avec la main droite. La main gauche finissant par disparaitre sous la table régulièrement, ce qui est extrêmement rare chez Nicolas Sarkozy.
 
Il semble difficile de penser que les convictions qui se sont développées sur le plateau télévisé, même si elles sont pour part non conscientes, n'aient pas de répercussions dans l'opinion. Il serait assez étonnant que dans l'audimat François Hollande n'ait pas également gagné le débat, qu'il a gagné dans sa tête.
Si cette analyse est juste, Le sentiment des débatteurs devrait être prédictif de celui de l'opinion…. suite au prochain message donc.

(1) Le mouvement  de langue de la photographie s'est produit 17mns 12 après le début du débat.