Archives pour la catégorie Mécanismes cognitifs

Coupe du monde et traumatismes

Le 15 juillet 2018 pendant la finale de la Coupe du monde de football, un joueur croate a eu la très mauvaise idée dès le début du match de marquer un but contre son camp, donnant à la France l'occasion de mener au score et de prendre l'avantage à ce moment du match.
Or il a été repéré en synergologie et consigné sur vidéo, qu'une personne évoquant verbalement un traumatisme psychologique le fait en accompagnant son discours de petits mouvements rotatifs de la tête. Voyons comment réagit le joueur lorsqu'il se rend compte sur grand écran, qu'il n'y a pas de doute possible et qu'il est bien l'auteur fautif du but.

Pour Mario Mandzukic le joueur qui offre l'avantage du score à son adversaire, la situation était traumatisante. Le phénomène visuel est fin mais il est très facile à observer pour qui a été formé à l'observer. Il s’agit de 4 petits mouvements de gauche à droite au début de la vidéo et la même séquence à la fin de cette vidéo. (Si vous avez de la difficulté à repérer ce phénomène, enlevez le son de votre ordinateur pour regarder). Il faut noter également que ce phénomène n’est visible chez aucun de ses partenaires et aucun des adversaires.
Au moment où de la production des axes de tête rotatifs, le joueur a arrêté de cligner des paupières. Il est dans ses pensées, fermé aux informations extérieures. Il n'est pas nécessaire d'être grand clerc de la communication pour comprendre qu'il se remémore l'action de jeu.

Ces rotations sont généralement observées lorsque les êtres humains parlent et on pouvait se demander à bon compte si ces mouvements rotatifs n'étaient pas une façon de renforcer le traumatisme verbalisé en l'appuyant d'une négation. Or ici le joueur ne dit rien mais les mouvements sont si rapides qu'ils ne peuvent être produits intentionnellement.
Le traumatisme psychologique est repérable sur une base corporelle. Dans l'absolu, il est très possible que ces mouvements rotatifs rapides naissent précisément pour se débarrasser des traumatismes. Des données neurologiques en attestent.

Nous reviendrons plus tard sur une autre observation aussi intéressante observée pendant le même match.

La synergologie et les faits

CaptureLa synergologie permet de mieux comprendre l'être humain  à partir de son langage corporel. Son cadre explicatif l'oblige à respecter deux paramètres. D'abord, décrire le plus précisément possible la réalité pour en faire émerger des phénomènes qui n'avaient pas été observés jusque là. Ensuite, offrir la possibilité à d'autres chercheurs de réfuter, critiquer les propositions émises sur des bases scientifiques constructives.
En synergologie, la théorie des microdémangeaisons se prête bien à ce type de démonstration.  Le schéma  accompagné de points, permet de visualiser la topographie des zones sur lesquelles les personnes se passent la main lorsqu'elles se grattent le visage.

Une microdémangeaison spécifique effectuée sur le bout du nez (zone N10) permet de penser que la personne qui l'effectue est curieuse. Curieuse de voir, curieuse de savoir, curieuse de comprendre, bref curieuse.

Émettre l'hypothèse que la personne est curieuse lorsqu'elle applique sa main sur le haut de son nez pour le caresser ou le gratter, est l'explication la plus logique en l'état des connaissances.

Dans la zone du nez, huit microdémangeaisons font ainsi l'objet d'horizons de sens différents; chaque zone touchée, grattée ou caressée inconsciemment exprime un non-dit.

La vidéo précédente peut être mise en perspective avec une autre attitude, celle où la personne se gratte à l'aide de la pince pouce-index sous le nez en l'obturant. Ce mouvement traduirait un malaise  :  "Il y a un problème".  Et bien évidemment ce geste est inconscient.

La proposition consistant à comprendre qu' "il y a un problème" lorsque la personne effectue ce type de microdémangaison, constitue aujourd'hui l'explication la plus plausible. Elle est née de l'observation de situations récurrentes. 1260 items classifiés forment aujourd'hui le corpus de la synergologie et regroupent tous les aspects du langage corporel.

Des milliers de vidéogrammes représentant des situations observées in vivo sont ainsi stockés dans des bases numériques pour être comparés, enrichis tous les jours par des sources nouvelles. De ces comparaisons est né au fil du temps un corpus de  propositions stables.

Un des objectifs de la synergologie est de comprendre et de montrer à quel point le corpus gestuel est universel. Ce qui ne veut évidemment pas dire que chaque culture n'a pas son système symbolique conscient. Toutefois, à un niveau infra-conscient, il semble bien que les réactions corporelles humaines partagent toutes des codes communs.

Pendant longtemps, les biologistes ont pensé que les microdémangeaisons permettaient d'inhiber des zones de la douleur, et que c'est dans les occasions de malaise que nous nous grattions. Mais très récemment, Mishra et Hoon (2013) ont repéré que les circuits de la douleur et ceux de la démangeaison sont distincts, et qu'un polypeptide, le nppb serait à l'origine des démangeaisons. Ces découvertes issues du champ de la neurobiologie s'accordent bien avec les observations synergologiques, de nombreuses microdémangeaisons engendrées par des évènements à valence positive générant à leur tour une excitation positive. Ce qui est le cas d'ailleurs sur certaines situations présentées sur la première vidéo. 

Dans le champ du langage corporel, il n'existait avant la synergologie aucune autre base d'identification des lieux précis des microdémangeaisons, et aucune proposition d'horizon de sens réfutable. Des chercheurs avaient bien remarqué que les gens se grattaient sans raison apparente, Morris (1967), Cosnier (1977) Ekman et Friesen (1969) Kimura (1976) notamment, et ils sont loin d’être les seuls. Mais aucun d'eux ne s’était jamais intéressé précisément à mettre en lien l'état responsable de la microdémangeaison avec la topographie stricte de ces mouvements. Or, le corps humain ne fait jamais rien sans raison. C'est le principe de base de l'homéostasie (Claude Bernard, 1865). Les gestes sont donc toujours forcément signifiants.

Pourquoi ces phénomènes n’avaient-ils pas été observés auparavant, s’ils sont si clairs ?

Un postulat de la communication non verbale veut que le geste soit lié à la parole. Or ce postulat en a complètement occulté un autre : le geste lié à la pensée. Car il suffirait que le geste ne soit pas lié à la parole, qu'il soit lié à la pensée pour que le langage corporel soit observé sous un prisme différent. Dans les deux exemples vidéo précédents, c'est la nature différente des pensées (et non des paroles) qui est à l'origine de deux types de microdémangeaisons différentes. C'est l'option la plus logique en l'état des connaissances.

La  théorie des microdémangeaisons  permet d'amorcer ainsi une réflexion sur des aspects du langage corporel qui n'avaient jamais été abordés sous cet angle là,  alors qu'ils sont fondamentaux pour comprendre l'être humain et créer des interactions plus riches.

 

Ce message est tiré d'une communication présentée l'Université de Nancy-Lorrraine aux 2èmes Journées d’études du réseau Duplication, Implication, Réplication, réseau international et multidisciplinaire de chercheurs en communication et en sciences sociales, le 9 juin 2015 qui proposait une réflexion sur les formes de duplication et d’engagement dans l’environnement numérique.

 

Bibliographie

Bernard, C (1865) Introduction à l'étude de la médecine expérimentale.

Dahan, G., & Cosnier, J. (1977). Sémiologie des quasi-linguistiques français. Psychologie médicale, 9(11), 2053-2072.

Ekman, P., & Friesen, W. V. (1981). The repertoire of nonverbal behavior: Categories, origins, usage, and coding. Nonverbal communication, interaction, and gesture, 57-106.Kimura, D. (1976) « The neural basis of gesture », dans Whitaker , H. et Harry A. Studies in neurolinguistics, vol. 2, Academic Press, 1976, p. 145- 156.

Kimura D., (1976): “ The neural basis of gesture ”, In H. Whitaker et H.A Whitaker : Studies in neurolinguistics, 1976 , Vol 2 (pp. 145-156).

Meguerditchian, A. (2009) Latéralité et communication gestuelle chez le babou et le chimpanzé : à la recherche des précurseurs du langage, Thèse 2009.

Mishra, S. K., & Hoon, M. A. (2013). The cells and circuitry for itch responses in mice. Science, 340(6135), 968-971.

Morris, D. (1967). Le singe nu (1967). Paris, Grasset.

 

 

 

 

Décoder des émotions, oui mais après…

 

Le public, de manière générale, pense que le langage corporel c'est le langage des émotions. Or ce n'est pas tout à fait ça et c'est beaucoup plus riche que ça.

Schema_synergologique

Apprendre à identifier des émotions sur le visage c'est le travail d'une journée pour un bon observateur à qui on a montré ce qu'il fallait regarder, et en l'espace d'une vingtaine d'heures de travail, celui qui le désire peut très bien apprendre à reconnaitre et étiqueter des déplacements de muscles.
Mais appréhender le langage corporel, ça commence juste après, ça commence lorsqu'on se dit : " Certes, j'ai bien vu une émotion mais à quoi l’attribuer ?" Ou encore au moment ou l'on se pose cette question :  " Mes interlocuteurs  ont l'air trés concentrés, mais je ne repère pas d'émotion particulière, pourquoi ?"
La personne qui compte bien mettre à profit les connaissances acquises par l'apprentissage des déplacements faciaux procède toujours de la même manière. Elle écoute ce que son interlocuteur est en train de dire, regarde son visage et se demande s'il y a adéquation entre ce qu'il dit et ce que montre son visage. Elle évalue la congruence entre le discours et les états émotionnels. Or, il y a huit causes bien identifiées, pas moins,  pour qu'il n'y ait pas de rapport entre l'émotion observée et ce que la personne est en train de dire, alors même qu'elle est parfaitement sincère, parfaitement authentique, et qu'elle dit parfaitement la vérité.

Prenons quelques exemples pour comprendre pourquoi l'observation d'une émotion est souvent trompeuse et pourquoi elle doit être encadrée par un questionnement sur le langage corporel prenant en compte de nombreux autres aspects.

Quelques exemples :

Il est tout à fait possible d’être dans deux états contradictoires, tout en étant authentique dans ces deux états. C'est ce qui se passe, si un évènement vous a rendu triste, au moment où vous croisez quelqu’un que vous êtes heureux de rencontrer. Montrez-vous un visage triste ou heureux ? En fait, vous montrez un visage sur lequel les déplacements faciaux ont emprunté aux deux réalités. Les muscles lisses actifs dans votre tristesse durable, mettent 40 à 400 fois plus de temps à se détendre que les muscles striés, pendant que de leur côté les hormones actives dans les situations de tension sont encore présentes et ne se dissipent pas dans le cerveau, comme par enchantement. Le temps du changement de métabolisme, des signes de joie et de tristesse sont lisibles ensemble puis en alternance, avant qu'un état prenne vraiment le pas sur l'autre..

Si vous communiquez face au soleil, votre visage sera marqué, tendu alors même que vous pouvez être de très bonne humeur et vous conserverez cette expression de tension faciale, de longues minutes après avoir quitté le soleil…

Il est également possible en interaction que votre esprit soit accaparé par d'autres pensées que les propos échangés. C'est même plus fréquent qu'on ne le pense. L'émotion traduite par votre visage peut être générée par des pensées n'ayant rien à voir avec l'interaction dans laquelle vous êtes placé/e. C'est le phénomène à l’œuvre chaque fois que vous êtes préoccupé/e. Votre interlocuteur muni de son petit lexique facial émotionnel risque de se dire, mais que lui ai-je donc fait pour que cette personne soit si fermée, lorsque c'est le cas ? Or ce qu'il ne sait pas c'est qu'il n'y est pour rien, qu'elle n'a rien à voir dans l'ordre de vos préoccupations.

La personne qui a peur de ne pas être crue, parce qu’elle lit de l'incrédulité sur le visage de l’autre, risque de traduire une émotion qui ne correspond pas à ce qu'elle dit. Celle qui pense qu'elle se sera pas crue, indépendamment même du ressenti de son interlocuteur montre elle aussi des émotions qui ne correspondent pas à ce qu'elle est en train de dire.

La personne qui reste digne pour ne pas s’écrouler sourit très souvent, et son sourire a toutes les caractéristiques d'un sourire authentique. Regardez les perdants des jeux télévisés, ils quittent l'auditoire en se retirant avec de grands sourires. Ces sourires se plaquent malgré eux sur leur visage et n'ont rien à voir avec un sourire jaune, comme il existerait un rire jaune. Ces sourires sont leur manière de "partir en beauté", pour laisser un bon souvenir. Ces sourires observés sont authentiques. Ces personnes là ne sont pas vraiment heureuses. Mais vous vous y tromperez si vous regardez la télévision sans le son.

Ainsi des lectures émotionnelles basiques pourraient nous faire douter des émotions qui sont pourtant véhiculées de façon authentique.

Décrypter le langage corporel :

Toutes ces remarques sont nées de repérages vidéos. Elles ont été capturées au fil du temps de manière écologique. Il ne s'agit pas de tenter de les reproduire pour montrer qu'elles sont "scientifiques". Les captures filmées sont des preuves en soi de phénomènes à l'oeuvre. Le véritable enjeu est ailleurs. C'est d'abord et avant tout de parvenir en interaction à échanger des informations, fluides avec une personne, dont la qualité de présence est déterminée par la qualité d'interaction.

Dans ce contexte, décoder le langage corporel nécessite la mise en place de processus obligeant à prendre en compte plusieurs constructions mentales simultanément, mais également et surtout, de ne jamais négliger la qualité de la relation, pour que l'information non verbale ne soit pas polluée par diverses projections.
Les qualités principales demandées à un spécialiste du décodage corporel, ne sont curieusement pas des qualités d'observation. L'observation relève de la technique. Repérer des traits qui bougent, ne demande pas de qualité particulière, et s'acquiert par automatismes successifs, nécessires mais pas suffisants. Non, les qualités du spécialiste du décodage corporel sont des qualités d'attention et de respect.

Le langage corporel n'est pas un simple langage co-verbal. Notre corps n'arrive pas neutre et lisse dans l'interaction. Il a aussi une vie indépendante de celle des mots prononcés. Nous continuons de penser et d'être lorsque nous ne parlons pas. Il nous arrive même d'être en interaction à un endroit et préoccupés par ce qui se passe à un autre endroit. C'est pourquoi la lecture des émotions (cette personne est-elle sincère en ce moment ?), si intéressante soit-elle, n'est jamais qu'un moment très circonscrit de la réflexion, à côté duquel la qualité de la relation (Sommes-nous dans un rapport authentique ?) mais également le rôle de la cognition (Mon interlocuteur est-il bien présent en ce moment ?), sont des questions préalables à poser, beaucoup plus importantes encore.

Si la solidité heuristique de ce triptyque (émotion-relation-cognition), tombait, toute l'approche synergologique n'aurait plus aucun sens. Mais c'est ce qui en fait aujourd'hui, la fécondité.

 

(*) Ce schéma est appelé Schéma intégrateur  en synergologie.

 

Les angoisses n’empêchent pas les vrais sourires (suite)

L'objet de la première partie de ce message blogue se proposait d'expliquer qu'une personne peut être réellement angoissée par une situation et pourtant produire un sourire comprenant toutes les composantes non verbales de l'authenticité, simplement parce que le cerveau est capable de passer d'un univers à  un autre instantanément. L'illustration de cet exemple était produite à partir d'images de Lance Armstrong chez Oprah Winfrey. Le cas Armstrong, semblait bien approprié simplement parce que la relation bien connue du sportif avec les produits dopants rejoint immédiatement le public.ARMSTRONG_2En revanche cela n’enlève rien à la fiabilité du langage corporel, parce que dans cet exemple, si le sportif rit et que son rire est authentique, dans l’image suivante il montre bien autre chose. Son visage se fige, et toute la mâchoire inférieure apparait comme c'est le cas avec les émotions négatives (et pas avec les émotions positives).

Lire la suite

Comment décoder la tromperie sur les critères du langage corporel ?

 
 
 
Décoder le mensonge sur des critères corporels peut être aléatoire ou plus sérieux selon la méthodologie mise en œuvre. 
Le spécialiste, qui pense que le décodage du mensonge se fait à partir de l'identification  des émotions risque de se trouver dans l'impasse. En revanche, celui qui prend en compte cet axiome : le menteur retient la vérité et il place son corps sous contrôle, verra sa tâche facilitée, surtout dans l'exercice de décodage d'une commission chargée d'expliciter des mécanismes frauduleux.

Dans la première optique, la plus hasardeuse,  il s'agit de chercher à repérer des émotions et dans la seconde, de rechercher la vigilance corporelle.

 

Pourquoi on ne parvient pas à décoder la tromperie en recherchent à repérer des émotions ?

Au départ. le gros bon sens porte à croire qu'une personne menteuse est mal à l'aise. Or le comportement observé traduit généralement exactement le contraire (Kassin et al, 2004) ). Le menteur sait que s'il a l'air mal à l'aise il sera pris pour un menteur. La seule chose sur laquelle il se concentre. c'est d'avoir l'air sûr de lui. Alors que la personne qui dit la vérité, elle, ne pense pas à tout ça, si bien que si dans la vie de tous les jours, elle est plutôt  pataude ou empruntée, elle va avoir l'air d'une menteuse. 
Dans l'optique de ce même gros bon sens, on pense que le menteur ne regarde pas dans les yeux, alors qu'en fait il regarde davantage fixement son interlocuteur que celui qui dit la vérité ! (Kassin et Fong, 1999) 
Le menteur sait que s'il ne regarde pas son interlocuteur et  doute de ce qu'il dit, il risquera d'être démasqué, alors que la personne qui dit la vérité ne se pose pas toutes ces questions, et pour peu qu'elle soit introvertie, va avoir tendance à être prise pour une menteuse (Porter et Brinke, 2010). 

 

 

Lire la suite

Le conflit étudiant dans les yeux de Jean Charest

Le 30 août sur RDI au Québec, les principaux chefs politiques ont eu 300 secondes chacun pour répondre aux questions de la journaliste Anne-Marie Dussault.  Commentant sur le vif ces 5 débats, j'ai été amené à dire que le premier ministre avait eu un moment difficile, un seul observable, celui où il parla du "conflit étudiant".
 
Bien préparé, le chef libéral dont la communication générale est plutôt de bonne qualité, est resté souriant et plutôt détendu. Si nous en restons à ce niveau de communication, il n'y a rien à dire de particulier.  Mais le langage corporel traduit immédiatement nos états d'âme . Il les exprime sur certaines parties du corps sans filtres, simplement parce que le déplacement de certains muscles échappe à notre contrôle conscient. C'est le cas de la partie inférieure de l'orbicularis oculi plus simplement appelée en synergologie fente palpébrale inférieure.
 
La première photographie "conflit étudiant" est mise à côté d'une photographie prise à un moment aléatoire du débat. Les flèches indiquent les zones lisibles des manifestations de l'anxiété.
 
Qu'est-ce que cela signifie  ?
 
Les mots que nous employons ne résonnent pas dans nos cerveaux pour chacun d'entre nous avec la même tonalité affective.  Certains mots sont très chargés émotionnellement, positivement ou négativement.  Ici, sur aucun sujet abordé, J. Charest n'est vraiment mal à l'aise, sauf sur le conflit étudiant. Il ne le dit pas, mais le phénomène est bien visible sur la zone de ses yeux.
 
Les étudiants en grève depuis 6 mois ont milité pour que le chef du gouvernement ne soit pas réélu. Auront-ils eu raison ou non  ? Les urnes seront seul juge.  En revanche ce qui est certain, c'est que psychologiquement ils ont effectivement déjà eu raison dans l'esprit du premier ministre. Lorsqu'il évoque le "conflit étudiant", malgré lui une anxiété monte en lui et cette anxiété se voit.
 
Les règles qui vous sont proposées dans ce blogue sont vérifiables. C'est d'ailleurs dans cet objectif qu'il a été construit. Il suffit aux personnes intéressées de retourner sur ces 300 secondes pour se rendre compte que nulle part ailleurs dans la vidéo, le blanc de l’œil sous l’œil  n'a été visible comme il l'est sur les mots et le thème "conflit étudiant".
 
 
 
 
 
 

Segolène Royal et Olivier Falorni : le début d’un évanouissement

 
La Rochelle le 17 juin 2012, alors qu'elle est en débat organisé par caméras interposées avec le candidat qui vient de la battre, Ségolène Royal a une défaillance, le début d'un évanouissement. La scène dure 3 secondes. 
Sur cette photo réalisée sans trucages , on la voit s'affaisser.

 

Première photographie d'elle, elle écoute pour répondre.

Photographie suivante, ce qui a tout l'air d'une absence, d'un évanouissement, avant qu'elle ne se reprenne.


 

Ce qui fait penser à l'amorce d'un évanouissement 
 
Durant les 15 secondes qui précèdent ce semi évanouissement, Ségolène Royal cligne 17 fois des paupières, montrant qu'elle écoute ce que dit son rival vainqueur. Les clignements de paupières permettent d'intégrer l'information pour la faire entrer dans le cerveau et la conserver.
Elle cligne intensément des paupières, parce qu'elle écoute la réponse d'Olivier Falorni à la question du journaliste qui lui a demandé s'il allait remercier Valérie Trierweiler pour son tweet d'appui.

Et lorsqu'elle cesse de cligner des paupières donc d'écouter alors qu'elle devra répondre ensuite, c'est parce qu'elle a une absence, c'est en tous les cas la situation la plus plausible.
Rien ne permet d'ailleurs d'expliquer que tout à coup elle disparaisse sous la caméra comme elle le fait.
 
Ségolène Royal tombe de son piédestal tout à fait physiquement … trois secondes…seulement trois secondes.
Elle aurait pu choir, mais non. Cette scène rochelaise est en elle-même une métaphore.
 
Si vous êtes intéressé par les 23 secondes de cette vidéo, c'est ici 

 

 

 
 

Le visage gauche est considéré comme le plus beau aussi bien par les hommes que par les femmes.

Kelsey Blackburn et James Schirillo ont fait une expérience vraiment  riche (1). Ils ont montré à dix hommes et dix femmes le visage de 37 inconnus pris en photos de profil. La photographie présentée au dessus est tirée de leur article. Ils se sont rendus compte en mesurant le diamètre de la pupille des observateurs  que ces vingt personnes, les hommes comme les femmes préféraient la partie gauche du visage observé. Ils ont inversé sur certaines séries de photos, le visage gauche et le visage droit, et se sont rendus compte qu'ils préféraient alors le visage droit. En fait toujours le visage gauche car les photos étaient inversées.
 
Droite, gauche et visage.
Nos observations faites en conditions éthologiques montraient  que les êtres humains ont tendance à projeter davantage la partie gauche de leur visage lorsque la situation de communication est agréable et l'hémivisage droit lorsqu'ils se méfient  (2). Ces observations font suite à celles d'autres auteurs montrant que les hémivisages gauches sont plus mobiles et font davantage passer les émotions (3),  et ce depuis la mère avec son nouveau né, jusque dans la communication humaine et vraisemblablement la communication simiesque.

Certains auteurs ont tendance à penser que c'est le désir d'envoyer l'information dans les aires de l'hémisphère droit du cerveau, plus émotionnel, qui serait producteur de ce phénomène (4) , alors que les observations synergologiques nous portent davantage à dire que la personne se mettrait en situation, non pas de recevoir l'information, mais plutôt de projeter elle même la partie gauche de son visage en avant lorsqu'elle est dans des dispositions d'ouverture. L'hémisphère droit serait moins impliqué que le tronc cérébral dans cette opération. l'observation de personnes aveugles de l’œil gauche regardant la personne la partie gauche de leur visage mise en avant dans des situations positives, plaidant pour cette construction théorique.

Nous savions déjà que le visage gauche semble plus expressif que le visage droit (5). Mais rien ne permettait de dire que cet hémi-visage était perçu comme plus beau Pourtant dans la vie de tous les jours, lorsqu'il fait des photographies, deux fois sur trois le photographe se trouve face à des personnes dont le visage légèrement désaxé, rend la partie gauche plus visible (6). Difficile de savoir ce qui se cache derrière ce hasard sur lequel l'expérience Blackburn Schirillo ne permet pas de conclure. Mais hasard ou non, deux fois sur trois les personnes montrent bien leur plus beau visage !

(1) Blackburn, K. Schirillo, J. (2012) Emotive hemispheric differences measured in real-life portraits using pupil diameter and subjective aesthetic preferences Exp Brain Res, DOI 10.1007, Springer-Verlag, 8 p.
(2) Turchet, Ph. Le langage universel du corps, Ed de L'homme, 2009.

(3) Skinner, Mullen : Facial asymetry in Emotional Expression, a métanalysis of research, British Journal of Psychology, 30, 91, pp 113-134.
(4) Gilbert, C. Bakan, P. (1973) Visual asymmetry in perception of faces, Neuropsychologia 11:355–362.
(5) Borod, JC. Haywood, CS. Kov, E. (1997) Neuropsychological aspects of facial asymmetry during emotional expression: a review of the normal adult literature. Neuropsychol Rev 7:41–60
(6) McManus IC (2005) Symmetry and asymmetry in aesthetics and the arts. Eur Rev 13(2):157–180

 

 

 

 

Quand François Hollande remercie Nicolas Sarkozy

 
 
 
Le 6 mai, lors de son premier discours de président, François Hollande a remercié Nicolas Sarkozy. Au moment précis ou il parlait de lui, en disant :

"Nicolas Sarkozy qui a dirigé la France pendant 5 ans et qui à ce titre mérite tout notre respect" 

Nous lui avons vu faire un geste (voir image au dessus) qu'il ne fait jamais d'habitude, un geste qui ne fait pas partie du patrimoine corporel de François Hollande, mais qui est par contre le geste le plus fréquemment réalisé par  Nicolas Sarkozy en discours, un geste qui d'une certaine manière le définit visuellement.
François Hollande pensait à Nicolas Sarkozy dont il parlait et il effectuait le  geste qui définit le mieux Nicolas Sarkozy. C'était évidemment non conscient de sa part.

Il ne reparlera pas de Nicolas Sarkozy durant toute la durée du discours, et il ne refera pas non plus ce geste durant le quart d'heure de discours qui suit.  Alors Pourquoi ce geste ?

 
François Hollande remerciait Nicolas Sarkozy en mimant Nicolas Sarkozy lui-même !

Cette attitude était absolument inconsciente, n'en doutons pas. Elle représente ce qu'on appelle un idéogramme verbo-moteur. 

Lorsque nous parlons d'une personne, elle ne revient pas de manière théorique dans notre esprit. Elle revient avec toute sa corporéité et nous avons tendance à épouser de manière très schématique son attitude, lorsque nous parlons d'elle. Elle nous apparait en action, enaction aurait dit Francisco Varela.
 
Dans l'imaginaire de François Hollande, l'index et le majeur fermés en pince ascendante, sont sans doute l'attitude corporelle qui représente le mieux Nicolas Sarkozy.  C'est sans doute sous cette forme qu'il existe dans son esprit lorsqu'il l'imagine en discours, la représentation de lui qu'il retient en action, et l'image qu'il laissera de lui, à l'insu de son plein gré, dans l'exprit nouveau président français élu.
 
 
 
 

Alexithymie et communication non verbale.

Bien que le terme alexithymie, apparu d'abord dans la littérature anglo saxonne en 1973 (1) et soit relativement peu connu dans le grand public, le trouble auquel il correspond est un trouble aisé à identifier parce qu'il touche entre 10 et 15 % de la population : (2) 
La personne alexithymique souffre d'un trouble la conduisant à avoir de la difficulté à comprendre les émotions.
Cette personne ressent bien les sensations corporelles qui sont à l'origine de l'émotion, mais ces sensations corporelles ne prennent pas de coloration émotionnelle :

– " Comment te sens-tu ?
– Je ne sais pas, j'ai une boule dans la gorge…
– C'est agréable, désagréable ?
– Je peux pas dire, c'est une boule dans la gorge…"

C'est comme si les émotions chez les alexithymiques n'accédaient pas à la conscience. (3) Les spécialistes parlent d'ailleurs parfois de cécité émotionnelle.  

Une échelle de mesure de l'alexithymie

Des spécialistes canadiens Taylor, Ryan, et Bagby (4) ont développé une échelle permettant de mesurer l'alexithymie.
Trois facteurs permettraient de l'identifier :

  • La difficulté à faire la distinction entre les sentiments et les sensations corporelles de l'excitation émotionnelle;
  • La difficulté à décrire les sentiments d'autrui;
  • Une pensée opératoire excluant les détails rappelant l'émotion.

Il n'est pas impossible de penser, comme l'ont montré plusieurs recherches, que le déficit de verbalisation du milieu parental, n'aide pas les enfants à identifier et reconnaitre ensuite des émotions, dont on ne leur a pas parlé, et qu'on ne leur a pas appris à reconnaitre. Mais ce mode d'explication ne suffit pas à lui seul à exprimer la réalité de l'alexithymie. Il est également possible que ce soit un mécanisme de défense permettant de se mettre à l'abri de la souffrance. Des mécanismes neurologiques permettraient d'expliquer l'alxithymie sans que l'on sache exactement si ces mécanismes seraient une cause ou une conséquence du parcours émotionnel des alexithymiques
Évidemment les alexityhmiques sont peu empathiques, car ne reconnaissant pas leurs propres émotions, ils éprouveront de la difficulté à attribuer des émotions aux autres. (5)

Nos gestes ne nous trahissent pas

 A l'heure ou le discours ambiant a tendance à dire que nos gestes nous trahissent, nos émotions nous trahissent, et qu'il faudrait se tenir loin de ce qui concerne la meilleure connaissance de tous leurs processus d'observation, il existe une autre école, plus humaniste. Cette école consiste à penser que lorsqu'on à appris à reconnaitre les émotions parce qu'on a appris à les observer sur l'autre, on se rapproche de lui parce qu'on le comprend mieux. On se rapproche également de soi parce qu'on apprend à identifier, à partir de l'autre, des  états que l'on peut développer, reconnaitre, apprivoiser, chez soi. 

Nos émotions ne nous trahissent pas, nos gestes ne nous trahissent pas, donner à lire à l'autre notre bagage corporel, c'est aussi lui proposer des lunettes pour mieux nous comprendre. 
Apprendre à observer c'est apprendre à comprendre,  apprendre à développer des ressources collaboratives, des ressources humaines, sans jeu de mots.

(1) Sifneos,PE (1973). The prevalenceof 'alexithymic' characteristics in psychosomatic patients. Psychotherapy and Psychosomatics,22,255-262
(2) S. Berthoz et al., (2011) Alexithymia from the social neuroscience perspective, in The Handbook of Social Neuroscience, sous la direction de J. Decety et J. Cacioppo, Oxford University Press.
(3) L. Pouga et al., (2010) Individual differences in socio-affective skills influence the neural
bases of fear processing : the case of alexithymia, in Human Brain Mapping, vol. 31(10), pp. 1469- 1481,
(4) Taylor,GJ. Ryan,DP, et Bagby, R.M. (1985) Toward the developmentof a new self-report alexithymia scale. Psychotherapy andPsychosomatics,44,191-199
(5) Cosnier, J. (2006), Psychologie des émotions et des sentiments “ Réed Retz : Paris.