Le 19 octobre à Las Vegas, le gagnant du troisième débat américain à l'élection présidentielle était prévisible dès les premières images. Et nous avons prédit le gagnant du débat au moment de la mise en présence des candidats et avant que les premiers mots ne soient prononcés.
Dès son entrée en scène Hillary Clinton pouvait sur Twitter être désignée comme la gagnante du débat. Le débat avait débuté il y a deux minutes et il était joué. Sa victoire à l'issue. 52% contre 39% (Source CNN).
Le plus surprenant depuis que l'arrivée des candidats sur le plateau est filmée (les 9 derniers débats), est que les gagnants sont chaque fois prédictibles sur des critères de langage corporel avant les premières paroles prononcées… ! De ce point de vue le débat du 19 octobre ne faisait pas exception à la règle.
Alors que Donald Trump était présenté comme un homme solide, la "fragile" et "vieillissante' Hillary prend le dessus dans l'arène trois fois au cours des trois débats. Et chaque fois avant même les premières paroles échangées.
Ces débats montrent que la dominance s'ancre dans des comportements et se trouve acceptée par un adversaire qui se résoud à se soumettre, sans avoir même conscience qu'il est en train de se soumettre.
Dans les débats d'homme à homme, au signal de la poignée de mains les hommes s'agrippent dans un corps-à-corps ou l'autre bras est également agrippé, à la manière des judokas. Le premier qui relâche l'autre montre en relâchant qu'il accepte la domination de celui qui continue à le tenir. L'observation de la poignée de mains détermine la nature du rapport de force : la démonstration est faite dans les six débats masculins.
Dans les débats homme-femme les variables de contact physiques trop connotées sont invalides. La variable de la poignée de mains est remplacée par des clés liées à l'occupation du territoire. Et ces variables sont également mesurables. Le gagnant regarde davantage son adversaire et regarde également davantage le public que son adversaire ne le fait. Il marque son territoire en accaparant l'espace. Ce 19 octobre dès l'arrivée dans l'arène, dès la première image, alors que Donald Trump se dirige comme un métronome vers son pupitre, Hillary Clinton s'arrête, salue la salle qu'elle balaie de la main longuement avant de prendre le temps de rejoindre le lieu de la joute. C'est dans ces moments particuliers que le débat se gagne. Il est bien possible que le public n'ait pas directement accès à cette dimenstion subliminale de la communication. Mais c'est durant ce temps privilégié, face à la caméra que la personne la plus calme et la plus maîtresse d'elle-même exerce son emprise sur son opposant en lui faisant passer le message, qu'elle est la dominante. Hillary Clinton prend son temps et oblige Donald Trump à attendre qu'elle ait fini de prendre son temps. Elle ne prend pas son temps en pure perte, elle tisse un lien privilégié avec la salle et le public télévisuel qu'elle salue. L'autre candidat n'a pas d'autre alternative qu'attendre, alors il attend. L'alpha vient comme dans chaque débat, d'être déterminé avant les premières paroles prononcées. Le gagnant du débat bien avant d'être couronné par les instituts de sondage vient d'être désigné par les débatteurs eux-mêmes : l'un montre qu'il va gagner et l'autre lui montre qu'il va perdre. C'est en tous les cas l'explication la plus plausible, la plus logique au fait que le gagnant puisse être déterminé avant que le débat ne commence.
Aussi étrange que cela puisse paraitre, Donald Trump craint Hillary Clinton. Peut-être parce qu'il n'a pas l'habitude d'être remis à sa place par une femme, ou silmplement pas l'habitude d'être contredit. En tous les cas ce qui est certain, c'est que sa tête a tendance à rentrer dans ses épaules lorsqu'il la regarde, comme c'est observé dans la peur. Sa tête part, elle se désaxe, elle prend le plus de distance possible avec son adversaire lorsqu'il la regarde. La tête de Hillary Clinton reste droite, le cou bien visible lorsqu'elle écoute comme le montrent ces deux images typiques de leurs situations d'écoute respective. Jamais au cours des trois débats, sa tête ne se sera désaxée une seule fois, comme elle se désaxe régulièrement chez Donald Trump.
Le présentateur va ensuite énoncer les premières règles. Les premières paroles vont être prononcées. Hillary Clinton va regarder l'animateur sans le perdre du regard durant les 26 secondes de sa présentation alors que Donald Trump restera les yeux fixés dans ses notes, près de 90 % du temps sans établir de contact visuel avec quiconque. Il donne le sentiment de finir de se préparer. En réalité, l'absence totale de mouvement sous ses paupières montre qu'il tente de faire le vide. Les deux protagonistes n'ont pas commencé à parler mais sans qu'ils puissent le dire encore, le débat est joué.
Le langage corporel précède le langage verbal. Il établit la nature du lien et du rapport de forces entre les participants et c'est sur ce canevas principal que vont se tisser les échanges verbaux. Ce ne sont pas les arguments qui convaincront le public, mais la capacité du débatteur à "montrer" que son argumentation est la plus légitime, parce qu'il en sera lui-même convaincu et qu'il sera parvenu à convaincre l'autre qu'il est pleinement légitimé à employer cette argumentation.