Archives mensuelles : octobre 2016

Élections américaines : 9 fois sur 9 le corps a annoncé la victoire du débat avant les premiers mots prononcés.

Le 19 octobre à Las Vegas, le gagnant du troisième débat américain à l'élection présidentielle était prévisible dès les premières images. Et nous avons prédit le gagnant du débat au moment de la mise en présence des candidats et avant que les premiers mots ne soient prononcés.

 

 

 

Dès son entrée en scène Hillary Clinton pouvait sur Twitter être désignée comme la gagnante du débat. Le débat avait débuté il y a deux minutes et il était joué. Sa victoire à l'issue. 52% contre 39% (Source CNN).

Le plus surprenant depuis que l'arrivée des candidats sur le plateau est filmée (les 9 derniers débats), est que les gagnants sont chaque fois prédictibles sur des critères de langage corporel avant les premières paroles prononcées… ! De ce point de vue le débat du 19 octobre ne faisait pas exception à la règle.

Alors que Donald Trump était présenté comme un homme solide, la "fragile" et "vieillissante' Hillary prend le dessus dans l'arène trois fois au cours des trois débats. Et chaque fois avant même les premières paroles échangées.

Ces débats montrent que la dominance s'ancre dans des comportements et se trouve acceptée par un adversaire qui se résoud à se soumettre, sans avoir même conscience qu'il est en train de se soumettre.

photo_4Dans les débats d'homme à homme, au signal de la poignée de mains les hommes s'agrippent dans un corps-à-corps ou l'autre bras est également agrippé, à la manière des judokas. Le premier qui relâche l'autre montre en relâchant  qu'il accepte la domination de celui qui continue à le tenir. L'observation de la poignée de mains détermine la nature du rapport de force :  la démonstration est faite dans les six débats masculins

Dans les débats homme-femme les variables de contact physiques trop connotées sont invalides.  La variable de la poignée de mains est remplacée par des clés liées à l'occupation du territoire. Et ces variables sont également mesurables. Le gagnant regarde davantage son adversaire et regarde également davantage le public que son adversaire ne le fait.  Il marque son territoire en accaparant l'espace. Ce 19 octobre dès l'arrivée dans l'arène, dès la première image, alors que Donald Trump se dirige comme un métronome vers son pupitre, Hillary Clinton s'arrête, salue la salle qu'elle balaie de la main longuement avant de prendre le temps de rejoindre le lieu de la joute. C'est dans ces moments particuliers que le débat se gagne. Il est bien possible que le public n'ait pas directement accès à cette dimenstion subliminale de la communication. photo_11Mais c'est durant ce temps privilégié, face à la caméra que la personne la  plus calme et la plus maîtresse d'elle-même exerce son emprise sur son opposant en lui faisant passer le message, qu'elle est la dominante. Hillary Clinton prend son temps et oblige Donald Trump à attendre qu'elle ait fini de prendre son temps. Elle ne prend pas son temps en pure perte, elle tisse un lien privilégié avec la salle et le public télévisuel qu'elle salue. L'autre candidat n'a pas d'autre alternative qu'attendre, alors il attend. L'alpha vient comme dans chaque débat, d'être déterminé avant les premières paroles prononcées.  Le gagnant du débat bien avant d'être couronné par les instituts de sondage vient d'être désigné par les débatteurs eux-mêmes : l'un montre qu'il va gagner et l'autre lui montre qu'il va perdre. C'est en tous les cas l'explication la plus plausible, la plus logique au fait que le gagnant puisse être déterminé avant que le débat ne commence.

photo6Aussi étrange que cela puisse paraitre, Donald Trump craint Hillary Clinton. Peut-être parce qu'il n'a pas l'habitude d'être remis à sa place par une femme, ou silmplement pas l'habitude d'être contredit. En tous les cas ce qui est certain, c'est que sa tête a tendance à rentrer dans ses épaules lorsqu'il la regarde, comme c'est observé dans la peur.  Sa tête part, elle se désaxe, elle prend le plus de distance possible avec son adversaire lorsqu'il la regarde. La tête de Hillary Clinton reste droite, le cou bien visible lorsqu'elle écoute comme le montrent ces deux images typiques de leurs situations d'écoute respective. Jamais au cours des trois débats, sa tête ne se sera désaxée une seule fois, comme elle se désaxe régulièrement chez Donald Trump.  

Le présentateur va ensuite énoncer les premières règles. Les premières paroles vont être prononcées. Hillary Clinton va regarder l'animateur sans le perdre du regard durant les 26 secondes de sa présentation alors que Donald Trump restera les yeux fixés dans ses notes, près de 90 % du temps sans établir de contact visuel avec quiconque. photo7Il donne le sentiment de finir de se préparer. En réalité, l'absence totale de mouvement sous ses paupières montre qu'il tente de faire le vide. Les deux protagonistes n'ont pas commencé à parler mais sans qu'ils puissent le dire encore, le débat est joué.

Le langage corporel  précède le langage verbal. Il établit la nature du lien et du rapport de forces entre les participants et c'est sur ce canevas principal que vont se tisser les échanges verbaux. Ce ne sont pas les arguments qui convaincront le public, mais la capacité du débatteur à "montrer" que son argumentation est la plus légitime, parce qu'il en sera lui-même convaincu et qu'il sera parvenu à convaincre l'autre qu'il est pleinement légitimé à employer cette argumentation.

 

Clinton-Trump : Peut-on prédire la victoire avant le début du débat ?

Certains sports de combat permettent de prédire le dénouement du duel dans des proportions supérieures au hasard, avant que la joute ne commence. Si le gagnant est prédictible, c'est parce qu'il détient l'assurance qu'il est le plus fort et qu'il va triompher. Il ne gagne pas à l'issue du combat, il gagne en entrant dans l'espace de la joute. Dominant dans son environnement, il traduit la victoire à venir par des signes subreptices identifiables.

Ainsi, dans la mesure où des signes prédictifs de la victoire sont observables dans le champ du sport, la question se pose de savoir si ces mêmes signes sont identifiables dans l'arène politique au moment des combats que sont les débats politiques.

En politique américaine, la prédictibilité du gagnant a été rendue possible grâce à une innovation apparue lors des débats Obama-McCain en 2008.

Le premier débat télévisé Kennedy-Nixon en 1960 avait scellé un choix éditorial : les deux candidats étaient assis face aux animateurs-arbitres au début de la diffusion. Ce type très formaté d'apparition à l'écran a perduré 48 ans. Mais à l'occasion du premier débat entre Barack Obama et John McCain, la poignée de main filmée et diffusée officiellement face aux caméras faisait entrer le candidat dans une nouvelle ère, celle de l'observation du « corps-à-corps » entre les prétendants.

En 2008, Obama et McCain ont, par trois fois, débuté le débat en arrivant de l'extérieur du plateau pour se serrer la main au centre de l'arène; et par trois fois Obama a gagné. Les signes de sa victoire étaient chaque fois observables avant le début du débat. Les instituts de sondage validaient à l'issue des émissions des résultats déjà prédictibles sur des critères de langage corporel, dès l'entrée en scène.

Les débats Obama-Romney se sont déroulés selon le même scénario cinématographique. Les acteurs arrivant hors champ pour se rencontrer au centre de leur terrain de jeu et se serrant la main devant les caméras. Obama moins bien préparé que Mitt Romney perdit le premier de ces débats avant de gagner les deux suivants. Là encore le verdict donné par les instituts de sondage correspondait aux prédictions possibles. Et là encore, le gagnant pouvait être prédit trois fois sur trois en se fiant aux mêmes signes que lors des trois débats McCain.

Quels sont ces signes ?

Le dominant s'impose avant même d'avoir commencé à argumenter. Et son comportement dans le cours du débat finira d'objectiver une domination exprimée dès son entrée en scène. Le dominant peut d'abord être défini comme celui qui prend les initiatives. Formellement, dans un débat politique, c'est celui qui prend l'initiative de la poignée de main en amorçant le premier le mouvement. C'est ensuite celui qui desserre en dernier son étreinte avec son autre bras à la fin de la poignée de main. C'est enfin celui qui occupe le plus amplement l'espace. Les critères de proximité ne sont pas propres au champ politique. Ils s'expriment dans le monde animal et ils sont ritualisés dans la mise en présence des êtres humains en interaction. obama_3Sur le critère du toucher, dans les débats Obama-McCain et Obama-Romney, le gagnant était prédictible dès la mise en présence des candidats. Sur la base de ces règles, le gagnant énoncé par les sondages correspondait six fois sur six à ces critères énoncés. Obama a perdu un débat sur six. C'est le premier débat contre Romney et lors de ce débat Obama a lâché le premier le bras de Mitt Romney qui a continué à lui serrer le sien.
 

Le débat Clinton-Trump

La domination est déterminée par l'occupation optimale de l'espace. Mais évidemment, lorsqu'un débat met en présence un homme et une femme, si les rituels restent les mêmes, ils doivent être aménagés pour prendre en considération la nature du rapport homme-femme. Ce rapport étant lui-même soumis à des codes stricts, intégrés et intériorisés et s'exprimant pour partie à l'insu des protagonistes.

Ainsi, l'un des critères observables lorsque deux hommes se rencontrent n'a plus cours si un homme et une femme ont à jouter l'un contre l'autre. Ce critère, c'est celui du toucher. Il prend une connotation différente dans le cadre d'un rapport homme-femme. Ce critère sera d'autant moins signifiant dans ces trois débats que le candidat masculin s'est vanté, puis récusé de s'être vanté, de « toucher » les femmes sans qu'elles ne lui résistent. Les deux leaders ne se sont d'ailleurs purement et simplement pas serré la main lors de l'entrée en scène au début du second débat.

Il n'en reste pas moins vrai que l'occupation de l'espace observable – aussi bien sur le critère territorial de l'ampleur de la poignée de main lorsqu'elle a lieu que sur le critère de l'occupation spatiale de l'espace – reste un facteur de prédictibilité du gagnant. Et sur ces deux critères visuellement objectivables, la domination d'Hillary Clinton s'est vue dès l'entrée en scène des deux débats. Les instituts de sondage lui accordant chaque fois la victoire a posteriori.

Dans le premier débat, elle a pris l'initiative de sortir la première des coulisses, son bras plus déployé obligea Donald Trump à s'effacer pour se placer non pas à côté d'elle, comme il aurait pu l'imposer s'il avait été dominant, mais derrière elle. Dès lors, il lui laissa la possibilité de prendre toutes les initiatives dans la gestion de l'espace, et ce jusqu'au début officiel du débat.

Dans le second débat, ils ne se sont pas serré la main, mais là encore, côte à côte face aux caméras, alors que Trump restait statique, figé, elle embrassait du regard toute la salle, se tournant d'abord à sa gauche puis à sa droite. L'espace d'une certaine manière lui appartenait. Les images ci-dessous le montrent.clinton_3 En fait, lors des trois dernières élections présidentielles américaines, les critères synergologiques de territorialité ont permis, huit fois sur huit, de donner le nom du gagnant des débats. En tout état de cause, ils devraient nous permettre de donner, si les items sont suffisamment signifiants, l'indication du gagnant avant le début du troisième et dernier débat entre Hillary Clinton et Donald Trump, ce mercredi soir 20 octobre 2017.

Ce billet est également publié sur le Huffington post Québec