Les mots ne sont pas tout et le langage non verbal n’est pas rien

 
Cette phrase tirée d'un article de presse internet mérite de retenir un moment notre attention. 
 
Prendre le problème sous l'angle : "Si nous pouvions vraiment comprendre les gens sans recourir aux mots, il n'y aurait pas besoin d'apprendre les langues étrangères", c'est n'avoir pas compris ce qu'était le non verbal.  En fait c'est n'avoir pas compris comment se mettent en place  les interactions humaines. 
 

Comment se construisent les échanges en interaction  ?
 
En interaction, les êtres humains se regardent sans avoir vraiment conscience d'observer le langage corporel de l'autre. Ils s'adaptent et réagissent pourtant en permanence aux messages non verbaux de leurs interlocuteurs.  Vous trouvez que l'idée qu'on vous présente est une mauvaise idée, vous pouvez tout à fait dire : "quelle bonne idée !" en levant les sourcils et en faisant une grimace. Tout le monde saura que vous trouvez l'idée mauvaise. Vous ne pensez pas à votre non verbal lorsque vous faites votre grimace, vos interlocuteurs non plus. Ils ne font que réagir à vos paroles, mais c'est au non verbal qu'ils réagissent. Sans non verbal chez les humains, c'est tout le deuxième degré de la communication qui nous échappe, c'est donc d'une certaine manière le sens général de la communication.
 
D’ailleurs, certaines formes d'autisme sont identifiées par le fait que les personnes sont incapables de décoder les messages non verbaux de leurs interlocuteurs. Ces personnes sont handicapées car comme une partie du message leur échappe, c'est  le sens général de la communication qui leur échappe. 
 
D'un point de vue chiffré, toutes les recherches académiques sur le non verbal montrent que dans une interaction, le non verbal est plus important que le verbal. Ces études de fond ne sont pas contredites, et l'objet de désaccord lorsqu'il existe réside plutôt sur l'interprétation à donner des signes  du langage corporel. 
 
 
Ne pas confondre coverbal et préverbal
 
Les gens qui ont le sentiment que le non verbal n'est finalement pas si important, le réduisent souvent au rapport entre les gestes et les paroles en se disant que nous pouvons comprendre l'autre même s'il ne fait pas de gestes. Si l'on s'arrête au geste stricto sensu, ils ont raison. Le geste est dans ce cas là coverbal ( le geste lié à la parole) Cette dimension de la communication non verbale est la mieux connue, la plus observée, mais elle n'est pas la plus intéressante ni même la plus importante. 
 
Nous savons aujourd'hui que certaines pensées se forment dans des zones profondes du cerveau et qu'elles n'émergent à la conscience que quelques dizaines de secondes plus tard. Dans ces moments précis, les attitudes corporelles de nos interlocuteurs préparent nos cerveaux à produire la pensée qui émerge. Notre corps est anxieux avant que nous ayons conscience de l'être. Et nous traduisons cette anxiété que l'autre perçoit par empathie. Il peut donc parfois ressentir notre anxiété avant que nous ayons conscience d'êttre anxieux (!) . La question n'est pas de savoir  si à ce moment là c'est plutôt 50 % ou 93 % de la communication qui est fondée sur le non verbal,  mais de se rendre compte que 100 % des mots qui sortent des bouches sortent sous influence du langage non verbal, lorsque nous sommes en interaction. Notre discours est imprégné des états de l'autre lorsque nous lui parlons. C'est d'ailleurs pour cette raison que les êtres humains peuvent si bien se comprendre en interaction et avoir un langage adapté à l'autre. Lorsque la personne avec laquelle vous parlez ne vous comprend pas, vous vous en rendez compte bien souvent avant qu'elle ne vous dise qu'elle ne comprend pas, ce qui fait que vous  reformulez vozre message avant qu'elle ne vous dise qu'elle ne comprend pas.
Dans ces exemples, 100 % des mots sont liés au langage corporel de l'autre, mais nous ne sommes pas en train de dire que 0 % des mots sont importants… 
 
Dans les processus de négociation, des collaborateurs qui ont préparé ensemble une négociation se comprennent souvent sans se parler et en veillant bien à ne traduire aucune expression émotionnelle. Ce n'est pas parce que l'autre partie serait bien incapable de décoder leurs messages corporels que les messages corporels n'existent pas.  Ce n'est donc pas parce que les processus régissant le langage corporel sont difficiles à appréhender que le langage corporel n'existe pas, qu'il n'est pas si important.
 
Ce qui est certain en revanche, c'est que ces réalités nouvelles ne peuvent pas être appréhendées sans une discipline dont la compréhension du langage non verbal soit l'objet intrinsèque.