Ingrédients infaillibles pour rater une pub ?

Le public, de manière générale a tendance à penser que les gens de publicité sont très au fait de tout ce qui concerne le langage corporel et qu'ils intègrent ces réalités dans leurs publicités. Or c'est là en partie une croyance.

Par une série d'observations tirées de publicités diverses, nous allons vous montrer quelles erreurs commises par méconnaissance de la dynamique du langage corporel ont tendance à produire sur le public l'effet contraire à l'effet recherché. Observons cette publicité. associant un grand acteur à une publicité pour le café dans une ambiance mystérieuse.

 

Le cerveau fait des associations libres, ce qui permet à l'être humain d'avoir des réactions plus rapides et mieux adaptées face à son environnement. Le marketing puise nombre de ces astuces dans ce type de construction théorisée par Freud. Une association libre bien connue associe café et sexualité.  Ici le breuvage est placé entre les mains de l'acteur au sex appeal (« appel du sexe » en anglais littéral) ) reconnu et devrait donner pour le moins le goût de la torréfaction à son public.

Mais il se trouve que si vous regardez son visage, dans les yeux de l'acteur, c'est d'abord le blanc de l'oeil sous l'oeil qui est surtout visible. Or ce muscle abaissé sous l’œil se rétracte pour découvrir la sclère,  lorsque les personnes sont anxieuses

 

Lorsque les personnes sont excitées, notamment sexuellement, le petit muscle appelé orbicularis oculi, a tendance au contraire à se bomber et remonter sur l’œil pour cacher la sclère c'est-à-dire le blanc de l’œil. 

Par comparaison, une personne excitée postivement, même si sa tête descend ne montre pas le blanc de l'oeil sous l’œil lorsque elle baisse la tête. La seconde photo permet d'observer la différence. 


 Des réalités qui ne sont pas conscientes mais qui sont pourtant bien réelles :

Ce phénomène n'est pas subjectif. Le simple fait de regarder des images d'yeux dans lesquels la sclère est bien visible sous l’œil suffit à déclencher le fonctionnement de l'amygddale cérébrale (une zone du cerveau située dans le système limbique) normalement activée dans les situations de peur ! (1)
Le décodage que le cerveau fait de la sclère n'est pas conscient. Personne ne va intentionnellement  observer la présence ou non de la sclère (le blanc de l'oeil) chez son interlocuteur ou interlocutrice, en revanche l'activité cérébrale de ces personnes montre que les zones normalement activées en situation de peur s'activent lorsque les interlocuteurs découvrent le blanc de leurs yeux. (3)

C'est exactement ce qui se produit ici. Le visage de l'acteur  à la tasse de café,  bien aimé du public ne fait pas peur c'est certain, mais l'effet de mise en confiance et de désir ne peut pas jouer à plein son rôle, car cette image fait naitre, non consciemment, davantage de vigilance que le désir dans le cerveau des gens qui regardent…

Ici le langage corporel crée un effet que les publicistes n'ont pas contrôlé, faute de le connaître, et l'acteur de son côté n'est pas en situation de désir parce que si ça avait été le cas, sa sclère n'aurait  pas été si visible…

Paradoxe : On peut fabriquer l'authenticité mais on est bien plus authentique lorsqu'on ne fabrique pas 

Cette publicité nous entraine au coeur d'un paradoxe : On peut toujours essayer de fabriquer l'authenticité, mais que de paramètres à contrôler. Dans la vie de tous les jours une démarche de communication juste devrait être toute autre.  Les trucages du langage corporel sont trop nombreux et trop compliqués, parfois même impossibles à mettre en œuvre. On ne peut pas apprendre à remonter l'orbicularis oculi sous l’œil pour avoir l'air de désirer l'autre ! 
Une démarche de communication juste devrait être même strictement inverse, fondée sur le rejet des trucages.(4) D'ailleurs le simple fait de développer le désir de regarder l'autre, pour mieux le comprendre, fait naitre des mécanismes d'empathie qui amènent la relation à être juste sans avoir besoin d'être bricolée…

 

(1) Morris, J.S., De Bonis, M.  Dolan, R.J., (2002) « Human amygdalia responses to fearfull eyes », Neuroimage, 17, (1), pp. 214-222.
(2) Zajonc R, feeling and thinking, preferences need to inferences, American Psychologist, 35, 1980,
(3) Whalen, P.j Rausch, S.L,  Etchof, N.L, mc Inerney, S,Clee, M.B, Jenike, M.A (1998) . masked présentations of emotional facial expressions modulate amygdalia activity without explicite knowledge, Journal of neuroscience, 18, p.411-418. 
(4) Turchet, P. Les codes inconscients de la séduction,  Ed de l'homme, 2004, 167 pages.

 

3 réflexions au sujet de « Ingrédients infaillibles pour rater une pub ? »

  1. une bande de copains

    Bon, bon, bon, j’entends bien vos commentaires et votre analyse synergo. Il n’en demeure pas moins que la campagne Nespresso dès sa sortie est devenue la campagne préférée des français. Même les plus grands publicitaires (et peut-être surtout eux), vous diront a quel point il est difficile de savoir ce qui fait une « bonne pub » (encore faut-il se poser la question du critère d’évaluation : agrément, impact…). Alors quand on trouve la bonne idée, la bonne exécution… c’est déjà énorme et heureusement cela peut très bien fonctionner malgré quelques « dérapages » synergo ! MBS

    1. philippe turchet

      Oui,
      Entendons-nous bien, il n'est pas du tout question de dénigrer ici les campagnes de telle ou telle marque ou service, ni d'ailleurs de dénigrer les compétences des professionnels qui les mettent en œuvre. Dans le cas faisant l'objet du message je partage le sentiment des français sur la qualité de cette campagne pleine d'humour.

      Le message visait simplement à montrer comment le langage corporel s'invite de manière non consciente dans l'appréciation d'une image.

      Ce message blogue visait également à faire partager autre chose. Dans l'opinion publique, transpire cette croyance qu'au moment de la composition d'une image publicitaire, parce qu'elle est fabriquée à la jonction des connaissances des milieux du marketing, de la publicité et des faiseurs d'image, tout y est savamment orchestré etcontrôlé. Oui certes… mais non ce que traduit cette photographie.

      Les effet non conscients du langage corporel sont aujourd'hui mieux connus et le travail de la synergologie, est de montrer exemples à l'appui, que le langage corporel présent dans l'image ne peut être appréhendé sans de nouveaux outils, ou si vous préférez qu'il est mieux appréhendé encore grâce à de nouveaux outils.

      Merci donc d'avoir réagi pour nous permettre de préciser,
      Bonne journée.

  2. Anonymous

    Bonjour,

    Si la campagne connaît un succès alors que le message voulu est en partie mitigé, peut-on considérer comme on le fait souvent en sciences, que certains signes sont tout à fait négligeable pour véhiculer un message ?

    Ici par exemple, serait-ce juste d’affirmer que la campagne de pub aurait encore mieux marché si l’acteur aurait eu le signe adéquat ? (Autrement dit éprouvé du plaisir).

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