Un débat télévisé se gagne en convainquant les personnes devant leur téléviseur, mais il se gagne peut être d'abord et avant tout dans les têtes des débatteurs . C'est parce qu'à un moment donné, il lui semble être meilleur que son adversaire, que le débatteur se met à prendre l'ascendant sur l'autre. Cette situation est classique, elle n'est pas propre au combat politique. Elle est la règle d'or de n'importe quel type de combat aussi bien intellectuel que physique.
Dans le débat Hollande-Sarkozy, un des deux débatteurs a bien gagné le débat dans sa tête, et ce assez rapidement, c'est François Hollande.
Mais comment est-il possible de le savoir, qu'est-ce qui permet de le dire ?
Lorsqu'une personne fait un bon mot, un mot dont elle est fière, un argument gagnant, elle peut finir sa phrase en tirant la langue, et c'est ce qui nous a été donné de voir ce soir, à de très nombreuses reprises dans la bouche de François Hollande, plus de dix fois, alors même que généralement la caméra se détournait des candidats pour revenir en plan large à la fin de leurs interventions. Cette langue est appelée "langue de délectation".
Il est même possible de dire que si François Hollande pense avoir gagné, Nicolas Sarkozy à mesure que le débat avançait développait le sentiment qu'il était en train de le perdre. Situation inverse à la situation vécue en 2007.
Une personne qui communique avec les deux mains (ce qui est le cas de Nicolas Sarkozy et pas de François Hollande), lorsqu'elle se détend, se met à employer davantage la main gauche. En 2007, face à Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy, avait fait les trois derniers quarts d'heure en employant la main gauche davantage que la main droite, bien davantage, près de 80 % du temps.
Cette fois ci, c'est précisément à la situation contraire à laquelle nous avons assisté Alors que Nicolas Sarkozy démarrait le débat confiant, employant très souvent la main gauche, à mesure que le débat avançait, il perdait de son assurance, et communiquait plus souvent avec la main droite. La main gauche finissant par disparaitre sous la table régulièrement, ce qui est extrêmement rare chez Nicolas Sarkozy.
Il semble difficile de penser que les convictions qui se sont développées sur le plateau télévisé, même si elles sont pour part non conscientes, n'aient pas de répercussions dans l'opinion. Il serait assez étonnant que dans l'audimat François Hollande n'ait pas également gagné le débat, qu'il a gagné dans sa tête.
Si cette analyse est juste, Le sentiment des débatteurs devrait être prédictif de celui de l'opinion…. suite au prochain message donc.
(1) Le mouvement de langue de la photographie s'est produit 17mns 12 après le début du débat.
Super intéresssssant!!!! Merci!
Christine
en effet, très instructif, c’est le sentiment que j’avais (1/0 pour Hollande) sans avoir cette analyse des gestes mais uniquement de part mon ressenti de téléspectateur.
Stéphane de Marseille
J’ai relevé que lorsquil parlait, Nicolas Sarkozy regardait plus souvent les deux journalistes que son adversaire, contrairement à François Hollande qui ne quittait rarement des yeux N. Sarkozy lorsqu’il lui parlait.
Cela a-t-il une signification en synergologie ? Ce comportement semble tout de même inconscient, qu’en pensez-vous ?
Il est difficile de donner une réponse catégorique à votre question, car plusieurs phénomènes peuvent présider à cette réalité.
Mais on peut noter qu'aller chercher le regard de quelqu'un quand on parle c'est souvent aller chercher son acquiescement, l’assurance que ce que l'on dit a du sens dans les moment de doute, son soutien dans les moments difficiles, un peu comme si on prenait à témoin.
Tout cela étant évidemment assez inconscient.
Merci de votre réponse!
J’ai remarqué qu’on avait fait appel à plusieurs synergologues dans les média ces jours-ci. Preuve que cette discipline est en pleine essor !
J’avais constaté la main sous la table à plusieurs reprises.
Votre analyse confirme bien mon impression
Super article !
Stephen Bunard, synergologue, a décrypté le débat entre Nicolas Sarkozy et François Hollande et parle, lui, de ‘langue de vipère’ quand F H tire la langue. Pourquoi appelez-vous ça ‘langue de délectation’ ? Est-ce différent, ou juste une question de vocabulaire ? Stephen Bunard est-il synergologue ?
Nous nous sommes vus à Montréal en formation… Merci pour vos articles ! (dis-je en clignant des yeux !)
En fait il y a à la fois chez François Hollande ce que nous appelons par convention "langue de délectation" et 'langue de vipère".
La langue dite "de vipère", se donne à voir lorsque la personne répond de manière incisive, généralement juste avant ou juste après un argument fort. Alors que la langue de délectation est la langue qui ponctue la communication à la fin de la phrase. Elle y met un point. La personne ne dira plus rien d'autre. La personne est satisfaite de ce qu'elle vient de dire.
Où sont les mots clés…. de votre message M. Turchet?
J’aimerais voir où ils mènent?
Cet article confirme également mon impression, Hollande a dominé le débat.
Au début vous dîtes que Sarkozy semble confiant. De mon côté, j'ai trouvé qu'Hollande n'était pas très sûr de lui au début. Notamment par le fait que j'ai trouvé qu'il avait du mal à regarder Sarkozy dans les yeux.
Nous avons eu votre avis, Philippe Turchet, sur la différence entre les deux hommes.
Cependant, Marine Lepen soutien que ces deux partis ''opposés'' sont en fait la même chose et ne souhaitent que maintenant leur position et leur pouvoir.
J'ai tenté de chercher des éléments qui vont dans ce sens sans pour autant revoir la vidéo mais je n'ai rien trouvé.
Synergologiquement parlant, que pensez vous de cette idée ?
Merci
J’ai une question de prolongement : pourquoi Hollande ouvre t il grand les yeux en répondant posant des questions à Sarkozy ? mon sentiment est qu’il attise sa colère.
Merci