Archives mensuelles : décembre 2010

Lorsqu’on met dix secondes à se rendre compte qu’on pense !

John-Dylan Haynes du centre de neurosciences de Berlin fit une curieuse expérience (1). Il assit des volontaires devant une table sur laquelle était placés deux boutons, un bouton rouge et un bouton vert. Il demanda aux participants de regarder les deux boutons, de prendre la décision d'appuyer sur un des ces deux boutons et une fois la décision prise, d'appuyer immédiatement. Ces personnes étaient reliées à un IRMf et face à cet IRMf un chercheur assistait à la scène en observant, lui, le cerveau en train de réagir sur un écran d'ordinateur. Ce chercheur observa que le cerveau avait pris sa décision environ 10 secondes avant que les personnes aient le sentiment de le faire spontanément ! Leur cerveau savait donc déjà depuis dix secondes ce qu'elles allaient faire dix secondes plus tard en pensant venir de le décider spontanément … !

D'autres expériences initiées depuis Benjamin Libet en 1983 préparaient déjà JD Haynes à cette observation. Évidemment cette expérience pose des questions relatives au libre arbitre. De quel arbitre disposons-nous si notre cerveau décide à notre insu dix secondes avant nous ?
Vous direz bien évidemment que notre cerveau c'est encore nous ! Mais si vous réfléchissez plus avant, vous vous rendrez compte que c'est un petit peu plus compliqué. Car ce que le cerveau sait, notre corps le montre lui et il le traduit donc parfois près de dix secondes avant que nous en ayons conscience. Celui qui sait décoder les messages du corps dispose lui de ces dix secondes pour vous faire renoncer à faire ce que vous vous apprêtiez à faire… sans que vous en ayez conscience.
Exemple :
Vous accompagnez votre compagne dans un magasin. Elle s'arrête devant un chandail aux couleurs chatoyantes. Ce chandail est trop bigarré pour qu'elle sache immédiatement si elle l'aime. Son corps, lui, montre qu'elle l'aime, parce que son cerveau sait qu'elle l'aime. Elle n'en n'a pas encore conscience.
Vous lui dites alors :
– C'est drôle j'ai vu ce même chandail porté par une personne tellement vulgaire…. Tu le trouves comment toi ?
En fait vous venez d'interférer sur le libre arbitre de votre compagne sans qu'elle en ait eu conscience. Vous transformez son jugement à venir à son insu même. En lui envoyant le message que le chandail est vulgaire, d'une certaine manière vous l'empêchez de le trouver joli. Alors que naturellement elle allait le trouver très à son goût dans quelques secondes…

Il y a des gens qui pensent encore que nous formons nos pensées au moment ou nous les formulons. Ne les réveillez pas trop vite, les gens réveillés trop brutalement sont toujours de mauvaise humeur..

(1)J.-D. Haynes et al., Decoding mental states from brain activity in Humans, in Nature Reviews Neuroscience, vol. 7(7), pp. 523-34, 2006 Compte rendu Cerveau et psycho, n°41 septembre-octobre 2010, pp-70-72.