La Suède revient au papier-crayon à l’école

Lorsqu'il y a dix ans, certains de mes proches me disaient à quel point ils étaient impressionnés de voir la Suède tourner la page du papier crayon et disposer des ordinateurs dans toutes les classes des écoles primaires, je leur disais : "Ils en reviendront…". Je lisais le scepticisme dans les regards amis. C’était, après tout, une réaction bien compréhensible.
Nous apprenons avec le corps, parce qu'avec le corps nous ressentons ce que nous faisons. La main qui prend le crayon et forme les lettres sur la page permet de nous imprégner de la calligraphie et ensuite l’orthographe bien mieux qu'aucun écran ne nous permettra jamais de le faire. D’ailleurs, nous savons aujourd’hui que les enfants formés au papier-crayon obtiennent de meilleures notes en orthographe-grammaire que ceux qui utilisent l'écran.
Dans la même veine, l’enseignant qui illustre ce qu’il dit en impliquant sa posture générale, à l’aide de son corps donc, est plus efficace que celui qui ne bouge pas et ce, aussi bien pour la mémorisation d’une langue étrangère (1), que pour l’apprentissage des mathématiques. Par exemple (2), le regard participe au mouvement, si bien que le prof qui regarde ses élèves entretient de meilleures interactions avec eux et elles que celui qui ne les regarde pas (3), et encore de meilleures interactions s'il , ou elle, se déplace dans l'espace (4) et utilise ses mains pour raconter (5). .
À preuve que papier et crayon sont plus efficaces que le digital pour les apprentissages . Les cadres de la Silicon Valley, eux-mêmes spécialistes des technologies numériques, ne sont pas dupes. Créateurs d’ordinateurs et d’intelligence artificielle, ils ont néanmoins choisi, pour une éducation optimale de leurs enfants, de les orienter vers des écoles qui rangent les écrans informatiques à l’écart des méthodes d’enseignement. L’école Waldhorf pour n’en nommer qu’une.
Entendons-nous bien, l’internet, couplé aux réalités numériques, est un formidable outil d’information, mais s’informer n’est pas apprendre, et pour les apprentissages, surtout pour les acquisitions de base, avoir ressenti l’information permet de mieux l’assimiler. Ce qui n’a rien à voir avec le fait de savoir où la retrouver. C’est l’écueil digital.
Le complexe corps-cerveau est un réceptacle des apprentissages et ce que nous faisons physiquement, nous sommes ensuite davantage capables de le restituer, parce qu’il s’est « incarné ». On parle en sciences, de cognition incarnée, d’embodiment.
Il ne faudrait donc pas vendre trop vite la peau du corps, si je peux me permettre cet emprunt proverbial.

© Credit photo Robert Doisneau

(1) Macedonia, M., & Klimesch, W. (2014). Long-Term Effects of Gestures on Memoryfor Foreign Language Words Trained in the Classroom. Mind, Brain, and Education, 8(2), 74‑88. https://doi.org/10.1111/mbe.12047
(2) Hynes-Berry, M., McCray, J. S., & Goldin-Meadow, S. (2018). The Role of Gesture in Teaching and Learning Math. In J. S. McCray, J.-Q. Chen, & J. E. Sorkin (Éds.), Growing Mathematical Minds (1re éd., p. 83‑108). Routledge.
(3) Forest, D. (2008). Agencements didactiques : Pour une analyse fonctionnelle du comportement non-verbal du professeur. Revue française de pédagogie. Recherches en éducation, 165, 77‑89. https://doi.org/10.4000/rfp.1108
(4) Azaoui, B. (2019). Analyse de la proxémie chez un enseignant de langues en lycée professionnel. In Mazur-Palandre, A. & Colón de Carjaval, I. (Éds.) Multimodalité du langage dans les interactions et l’acquisition (pp. 181‑201). UGA Éditions.
(5) Tellier, M. (2008a). Dire avec des gestes. Le Français dans le monde. Recherches et applications, 44, 40‑50.
(6) Marion Tellier. « Saisir les potentialités pédagogiques de son corps :De l’enseignant novice à l’enseignant expérimenté ». in Duval H., Raymond, C. & Odile-Guedj, D. Engager le corps pour enseigner et apprendre. Diversité de perspectives, Presses de l’université Laval (PUL), pp.123-152, 2022, 9791037017611. hal-03779016

Congrès de L’Association Européenne de Synergologie® 2022

Congrès de Synergologie® de Lyon du 2 au 6 Juin 2022 organisé par l'association Européenne de Synergologie, avec soixante dix collègues venus outre de la France, de Suisse, d'Espagne, de Belgique, de Côte d'Ivoire, avec un thème principal de réflexion : L'horizon 2030.

Du côté des apports théoriques, ce Congrès a été l'occasion d'approfondir les notions de noèse et de poïèse destinées à mieux comprendre que le langage corporel n'est pas qu'un langage émotionnel mais qu'il est aussi un langage relationnel et un langage cognitif, car les processus de pensée s'impriment sur le corps. Ça a été l'occasion d'approfondir une nouvelle direction amorcée il y a une dizaine d'années.

L'originalité de ce congrès par rapport à d'autres manifestations synergologiques aura au delà des thèmes évoqués, tenu dans la facilitation graphique de @PEK (Philippe-Eli Kassavi) qui a par ses dessins durant ces 4 jours, ramassé les réflexions des synergologues pour leur permettre de voyager sous forme d'images, et d'émuler par ce processus, la créativité de tous. Ca s'est très bien senti.

Et puis bien sûr, après deux ans de COVID, l'intérêt d'une telle manifestation aura été de se re-rencontrer.

Un livre très à jour

Il y a maintenant 30 ans j'achevais le livre "La Synergologie", qui a eu un énorme succès, traduit jusqu'en Chine et en Corée, et publié en Europe en livre de poche. Trente ans après "La Synergologie" voici "Le grand livre de la Synergologie".  Les titres sont à tout le moins très ressemblants.  Pourquoi si ressemblants ? Parce qu'aujourd'hui encore des gens me disent "Je viens d'acheter votre livre, La Synergologie", en pensant me faire un grand plaisir. Des gens à qui je ne peux pas dire : "Mais la Synergologie, ce n'est pas ça, ce n'est plus ça !". Il était définitivement temps de remettre la table. Non seulement parce que les recettes sont différentes, mais parce que les ingrédients aussi le sont.  
Trois ans de travail pour bousculer et redéfinir le programme de la Synergologie de ces débuts. Mais qu'est-ce qui a vraiment changé ?  Eh bien depuis les années 1990, l'ère du pixel est passée par là et avec elle, la prolifération des images sur les routes numériques nous permettant d'observer le non verbal comme nous ne pouvions pas le faire alors ; l'ère du pixel qui nous permet de comparer les langages corporels humains de toute la planète en quelques clics de souris. Ce que nous y avons découvert est infiniment plus riche que ce que nous nous attendions à voir, favorisant des approfondissements inimaginables nous obligeant aussi à redéfinir certaines routes. L'internet n'est pas arrivé tout seul dans notre champ d'observation. Il est arrivé avec la résonance magnétique, L'IRM.
La Synergologie d'aujourd'hui c'est donc une matière dans laquelle les neurosciences ont pris corps, enracinant les observations faites il y a trente ans dans un tissu d'explication rationnel tissé serré.
La synergologie d'aujourd'hui c'est un lexique corporel, largement renouvelé et approfondi mais c'est peut-être encore davantage une théorie et une pratique de la relation, une pratique du questionnement qui permet de se rencontrer lorsqu'on prend le temps de se regarder. Lisez et venez dialoguer ici, questionner, débattre.  La synergologie c'est une matière vivante !

 

Sortie au Canada le 11 novembre 2021 :  https://bit.ly/2Yvv6YC

Sortie en France le 27 janvier 2021 : https://bit.ly/3CX4nDg

 

 

 

Coronavirus et contact manuel

« Le Covid-19 se propage entre humains par voie aérienne, mais surtout, à 80% par contact manuel » (1). Il est vrai que le fait de toucher les muqueuses du visage – le nez, les yeux et la bouche, offre au virus une porte d'entrée dans le corps.

Est-ce à dire qu'il suffirait potentiellement que nous cessions complètement de porter les mains à notre visage pour que le nombre de personnes infectées sur la planète soit divisé par 4…? Potentiellement, oui…

 

Mais pourquoi une mesure si simple à effectuer, une mesure que nous connaissons tous, s’avère dans les faits si compliquée à mettre en oeuvre ? Et bien simplement parce que se toucher le visage, le caresser, le gratter même en l'absence de boutons est ressenti par notre cerveau comme une nécessité. Nous nous touchons en moyenne 23 fois par heure le visage (2). Et pourquoi ?

Les émotions lorsqu’elles nous perturbent, font naître des démangeaisons très brèves (3), et l'augmentation des gestes autocentrés nous permet d'extérioriser cette crispation intérieure. Les régions cérébrales impliquées dans la neurobiologie du sentiment (dans les cortex somatosensoriels de l’insula et de SII) deviennent pendant ce temps atones si nous nous grattons (5,6).
Le fait de se gratter fait donc descendre le niveau émotionnel. Le cortex cingulaire cesse de travailler. Or, cette zone est impliquée dans la douleur. Dans le même temps, les aires du cortex préfrontal impliquées dans les récompenses ou les comportements compulsifs deviennent réactives, expliquant pourquoi se gratter est en même temps si agréable (7)

Les primates non humains, les singes ne se conduisent pas différemment de nous. Isolés dans des cages, ils se grattent moins souvent que s’ils sont placés en groupe. Dans leur milieu naturel, les vocalisations des groupes rivaux, provoqueront chez eux des démangeaisons indicatrices d’une tension émotionnelle négative (8).

Parallèlement, nous plaçons les mains sur le visage pour une autre raison, pour se reconcentrer et remédier ainsi à la distraction de l'attention en réactivant la mémoire de travail (9). D'ailleurs, plus la concentration est continue et plus la main reste sur le visage longtemps (10). Nous utilisons autant la main gauche que la main droite pour effectuer ces multiples autocontacts sur le visage. Et bien sûr comme tous ces mouvements sont effectués spontanément, lorsque nous pensons à les réprimer, il est donc trop tard.

C’est ainsi, le coronavirus sur lequel nous pourrions assez facilement reprendre un peu de contrôle, continue simplement son périple parce que nous sommes émus, réfléchissons et parce que les mains sur le visage nous aident dans ces tâches.

Les mains sur le visage sont la parfaite illustration que le corps se met en action et que le cerveau ne fait que prendre conscience de ce que notre corps a déjà mis en œuvre à son insu, car c’est lorsque les mains sont sur notre visage que nous prenons conscience qu’il faudrait éviter que nos mains aillent sur notre visage !

(1) https://www.topsante.com/…/coronavirus-chinois-quels-sont-l…

(2) Etude publiée en 2015 dans l'American Journal of Infection Control observant qu'un groupe d'étudiants en médecine se touchait le visage en moyenne 23 fois par heure.

(3)Kimura, D. « The neural basis of gesture », dans Whitaker , H. et Harry A. Studies in neurolinguistics, vol. 2, Academic Press, 1976, p. 145- 156.(4) Cyrulnik, B (2002) Un merveilleux malheur, Odile Jacob, Paris

(5) Craig Arthur D, Chen Kawey, Bandy Daniel J, Reiman Eric M, : Thermosensory activation of insuar cortex “ Nature neuroscience, 3, 2000, PP184-190.

(6)Ikoma, A Steinhoff, Stander, S. Yosipovitch, G et Schmeltz, M.(2006) The neurobiology of itch Nature reviews. Neuroscience. , vol. 7, no7, pp. 535-54

(7) Raymond, J. « It Feels Good and Everybody Does It. Scientists are using state-of-the-art techno-logy to look at what happens in the brain when a person scratches an itch. There’s moregoing on than you might think », Newsweek, 31 janvier 2008.

(8) Meguerditchian, A. (2009) Latéralité et communication gestuelle chez le babou in et le chimpanzé : à la recherche des précurseurs du langage, Thèse 2009.

(9) Mueller, S. M., Martin, S., & Grunwald, M. (2019). Self-touch: Contact durations and point of touch of spontaneous facial self-touches differ depending on cognitive and emotional load. PloS one, 14(3).

(10) Barroso F, Freedman N, Grand S (1980) Self-touching, performance, and attentional processes. Percept.Mot.Skills 50 (3): 1083–1089.

#coronavirus #covid19 #langagecorporel #synergologie

Synergologie et relations humaines

Les pouvoirs extraordinaires du corps humain sur France 2, ce 7 janvier 2020 sur la relation amoureuse.

La relation humaine, quel que soit le type de relation, ce sont d'abord des gens qui se regardent et parce qu'ils se regardent, s'envoient des messages qu'ils déchiffrent consciemment et inconsciemment. La Synergologie avait donc toute sa place au coeur de l'échange.

Au cours de l'émission dans ce jeu de questions-réponses avec les animateurs, a émergé cette étrange question (non gardée dans le montage) expliquant que l'IRM pourrait être une forme d'outil idéal pour nous aider décrypter ce que l'autre ressent. Et bien non ou plutôt si mais avec une efficacité très sommaire par rapport à celle des outils observant le visage et le corps depuis une caméra extérieure. 

L'IRM est un outil extraordinaire d'investigation du corps humain, mais les outils qui permettront de décoder avec finesse l'état des émotions, de la relation, de la cognition, une fois les problèmes méthodologiques levés sont d'une autre nature. Ce seront des outils bâtis à partir d'images décodées du visage et du corps. D'autres problèmes se poseront alors, des problèmes éthiques, mais si l'intelligence artificielle (et ses limites) doit se mettre au service de la communication, les outils les plus performants seront des outils d'observation de … la communication. Et que nous le voulions ou non l'ère d'observation de la communication sera pour part synergologique.

Le nez de Pinocchio : Bien sûr que ça existe !

Parce que j'ai entendu aujourd'hui "le nez de Pinocchio ça n'existe pas", j'ai eu envie de ce post. Simplement parce que non seulement le nez de Pinocchio ça existe et aussi parce que la démonstration est sans appel, à la fois visuelle et neurologique.

"Le nez de Pinocchio", dans le champ du non-verbal, c'est l'idée que le mensonge déclencherait une démangeaison sous le nez dans des proportions supérieures au hasard statistique.

Alors, partons d'abord d'un exemple bien clair parmi des dizaines de situations réelles issues de nos banques vidéos.

Sur le plateau d'un journal télévisé français, pendant qu'une journaliste annonce au moment de l'explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter pour la radio-activité, son collègue, un présentateur très connu, effectue le geste aperçu sur l'image. L'annonce que le nuage radioactif ne passera pas au dessus de la France et qu'il n'aura pas d'incidence sur la santé, sont deux informations fausses.

En fait, le nez démange, oui, comme celui de Pinocchio s'allongeait. Mais il ne démange pas n'importe où. Il démange à un endroit bien précis, sous le nez, étiqueté N20.

Ce phénomène, décrit et observé dans nos bases de données depuis plus 30 ans a été circonscrit par Le Dr Emilio Gómez Milan et ses collègues de l’Université de Grenade en 2017. Ils ont repéré que le nez se refroidit de plus de 1 degré celsius au moment du mensonge, si bien qu’il rétrécit légèrement ! La démonstration a été effectuée à l'aide d'une caméra thermique.
Pour les besoins de leur expérience, 60 participants mentaient lors d’un appel téléphonique passé à un proche, et les chercheurs ont repéré alors que la température du bout de leur nez descendait d’environ 1,2 degré celsius, alors que celle de leur front augmentait de 1,5 °C. C'est cette baisse de température qui mène au léger rétrécissement du nez. Et ce se serait pour réchauffer le nez que nous que nous aurions tendance à le toucher, voir le frotter. L'étude est disponible ici : https://bit.ly/2TcLgze

Le "nez de Pinocchio", mis à l'honneur par Collodi en 1881 n'est pas une lubie. En synergologie lorsque nous disons quelque chose, c'est parce que c'est doccumenté. L'approche synergologique a été fondée autour de l'observation visuelle et son système de classification annexé à une banque riche de plus de 6000 vidéos. Les signes corporels peuvent aujourd'hui facilement être repérés en situation réelle.

À qui profite le crime ?
Qui a intérêt à propager un discours de type : "la synergologie dit que … et ce n'est pas vrai".
Et bien simplement les chercheurs qui comptent bien s'attirer un capital de sympathie en dénigrant cette discipline au nom nouveau donc facilement suspect. Mais vivement que des sociologues sérieux s'intéressent à ce phénomène des faux sceptiques issus du champ universitaire. Comme la synergologie est une discipline jeune et qu'elle est née hors du giron universitaire, elle est facilement attaquable. Le seul petit problème c'est qu'elle a aujourd'hui 35 ans et que 35 ans de réflexion à partir d'une voie nouvelle ça donne une confortable avance dans l'observation. D'autant qu'aujourd'hui les observations synergologiques non seulement peuvent être montrées mais elles deviennent validables grâce aux techniques d'imagerie moderne ; et que la robotique humanoïde peut expertiser ces informations en donnant aux algorithmes de quoi s'en donner à coeur joie avec les données.

Bonne journée !

Ps : Si vous voulez en savoir plus et participer à deux jours de formation pour mieux comprendre, je vous propose de nous retrouver samedi 17 et 18 août à Montréal : http://institutquebecoisdesynergologie.com/seance-1/

Ou alors en conférence, le 12 septembre à Montréal : https://bit.ly/2KyNbeN

Observer le geste pour mieux écouter la parole

Nous avons tendance à penser que nous faisons nos gestes dans l'espace, majoritairement avec notre main dominante. Or ici le premier ministre du Québec, en s'adressant sur vidéo aux québécois pour évoquer son projet de laïcité, ne parle qu'en employant sa main gauche, alors qu'il est droitier, et ce pas moins 20 fois en 2mns 25.
Vingt utilisations de la main gauche, et pas une seule utilisation de la main droite.

La main gauche apparait dans le dialogue pour évoquer les sujets plus personnels, les sujets qui tiennent très à cœur celui qui les évoque. Et de ce point de vue François Legault ne semble pas faire exception à la règle, car ce projet arrive très tôt dans son mandat politique de premier ministre. Et c'est pour lui un projet central.
Le fait que la personne soit droitière ou gauchère n'a rien à voir avec cet état de fait, car ce sont des aires plus profondes du cerveau sans lien direct avec la motricité dominante qui sont responsables du phénomène.

La croyance fausse voulant qu'on utilise davantage sa main dominante lorsqu'on fait des gestes dans l'espace est par ailleurs tellement enracinée dans l'esprit humain que lorsque en 2004, la grille synergologique des gestes a été créée, elle était à l'époque la seule grille prenant en compte le choix et l'importance de la main utilisée lors de la production du geste.

Si vous êtes intéressé(e) par ce type d'information, elle est davantage développée dans un autre texte car une comparaison entre la gestuelle de deux personnalités politiques Gilles Duceppe et Stephen Harper, a permis d'observer que Gilles Duceppe parlait majoritairement avec la main gauche https://www.cairn.info/revue-langages-2013-4-page-29.htm

Observez vos collègues ou vos proches parler de choses qui les passionnent, vous observerez qu'ils se mettront à employer davantage leur main gauche que la main droite…

Québec : Élection du premier ministre : Les chefs se sont tiré la langue 92 FOIS !

La spécialité de la Synergologie est d'observer les pans du langage corporel que personne ne pense à regarder, et qui sont pleinement signifiants précisément pour cette raison là. Des pans entiers de messages corporels sont échangés à notre insu, laissant dans nos cerveaux des traces subliminales. Le dernier débat politique au Québec en 2018 , participant au processus de désignation du premier ministre permet de repérer :  l’agressivité verbale .

Pour plus de netteté : double-cliquez sur l'image

L'indicateur corporel choisi de l'agressivité verbale : La protrusion de la langue

Au mois de septembre 2018 au Québec, les 4 chefs politiques en lutte pour le poste de premier ministre se sont opposés dans deux débats. Nous avons analysé la seconde de ces confrontations, le débat du 18 septembre 2018 suivi par un million de téléspectateurs sur la chaine TVA. Le critère choisi pour décrire l’agressivité verbale des leaders est le critère de la protrusion de la langue.  
De ce point de vue les chiffres sont sans appel : Les chefs se sont tirés la langue 92 fois durant leurs échanges !
Ces mouvements duraient tous moins d'une demi seconde, et la langue ne se déplaçait pas latéralement sur les lèvres. Ils ne s’humectaient donc pas les lèvres. (1) Ils se tiraient bien la langue, rapidement, trop rapidement pour qu’un non œil non préparé ne s’en rende compte, mais un oeil aguerri, si.

Tirer la langue est un geste enfantin dont on pourrait penser qu’il disparaît avec la maturité, alors qu’il ne fait que s’estomper, devenant surtout avec l’âge, plus inconscient.  La langue franchit la barrière des dents lorsqu'une personne veut être certaine d'imposer sa façon de voir. Elle « plante  l’autre ! » pour utiliser une métaphore végétale.
Dans un débat, la violence est réelle, certains débats mettant fin à leur issue à la carrière de personnages politiques désavoués au moment du vote.

Le nombre de langues observables tirées en direction de l’adversaire

L’observation et le comptage du nombre de langues tirées montre que c’est :
1    Jean François Lisée : 47 protrusions de langue
2    Philippe Couillard :  31 protrusions
3    Manon Massé : 11 protrusions
4    François Legault : 3 protrusions de langue

Il semblerait donc pour que sur le critère de la langue tirée à l’autre, la protrusion de la langue, Jean-François Lisée apparaisse comme le plus agressif.

La mesure scientifique de l’agressivité est effectuée en croisant deux indicateurs : le mouvement de langue et le lexique verbal, c’est-à-dire les mots employés. Plus la personne tire la langue, et plus les politologues spécialistes de ces questions doivent ressentir effectivement cette agressivité dans le langage verbal même s’ils ne voient pas eux la langue sortir de la bouche au moment de l’estocade.  Il ne serait pas possible de parler d’agressivité verbale sans ça

Ce qu’ont dit les éditorialistes de l’agressivité  des chefs ?

Pour cette étude, les papiers des médias les plus importants parus le lendemain du vote sur Google, soit : Radio Canada Nouvelles, TVA, Le Journal de Montréal, et le Journal de Québec  (2) ont été sélectionnés. Le débat était été mouvementé et très clivant, les commentateurs de ces médias semblent d'accord sur le comportement des acteurs du débat.

Jean François Lisée est de tous les leaders celui qui de très loin a été perçu comme le plus agressif. Et c’est également celui qui a tiré la langue le plus souvent.

On pouvait lire :"Coup d'éclat de Jean-François Lisée" (RC, Girard et al, 21 septembre 2018) Jean-François Lisée lui a eu peine à contrôler son besoin de démolir ses adversaires  (J de M , D. Bombardier, 21 septembre 2018), ou encore   Lisée sort en trombe… Son agressivité (Marie-Eve Doyon, Journal de Québec, 21 septembre 2018)

L'agressivité identifiée de Jean-François Lisée, s'est amorcée dès la première question à Manon Massé à 8mn15 : " J'ai une question préalable à vous poser… . " Cette question ponctuée effectivement par un mouvement de protrusion de la langue, lui sera reprochée.  nous y reviendrons plus loin.


A l’autre bout du continuum François Legault et celui qui, dru ponit de vue des éditorialistes, interrogés est décrit comme le plus empathique : Mea culpa de François Legault (RC, 21 septembre, 2018)  François Legault qui, parlant avec son cœur à réussi à faire oublier… (JdeM, Bombardier, 21 septembre 2018). Le chef caquiste a fait un mea culpa, (La Presse, 21 septembre).

Et des quatre chefs, de très loin, il a été celui dont la langue a été le moins visible (3 fois).

Même s’il a très peu tiré la langue, on lui doit la phrase la plus assassine de la soirée  « Les seuls qu’on veut expulser au Québec, c’est le Parti libéral !» terminée par une protrusion de langue. Que le hasard fait bien les choses ! … Mais ce n’est pas le hasard.

Philippe Couillard, a également à des nuances près, perçu comme suffisant : Philippe Couillard hautain, irrité et cinglant qu’on a vu en action"(Bombardier, JDM, 21 septembre 2018). Il tire la langue 24 fois à ses collègues. Mais cet avis n’était pas totalement unanime : Philippe Couillard a réussi à maintenir sa stature d’homme d’État tout au long du débat  (Doyon, J de Q, 21 septembre)

Vient ensuite Manon Massé, 11 protrusions de la langue. Peu de mouvements de langue décrite ainsi : le côté missionnaire de Manon Massé. Toutes les apparences d’une bonne personne  (JdeM, Bombardier).
Curieusement, alors qu'elle a été, à en croire les commentateurs, prise à partie de manière agressive par JF Lisée, c'est à Jean François Lisée à qui elle a le moins répondu par l'agressivité de la protrusion  de langue. Le décalage entre l'attitude des deux chefs explique peut-être sa performance jugée meilleure par les commentateurs : La performance d’hier de Manon Massé pourrait bien assurer à Québec solidaire la balance du pouvoir le 1er octobre au soir (JdeM, Bombardier).

Le 5 ème homme du débat : Pierre Bruneau

Dans ce débat une polémique est née quant à l'attitude de l’arbitre du débat : Pierre Bruneau. Selon cette polémique Pierre Bruneau n'aurait pas laissé développé comme il le souhaitait, Jean-François Lisée.
Sur cette question les avis des commentateurs étaient partagés, : Pierre Bruneau l'a interrompu (JF Lisée) … à quelques reprises durant le débat d'ailleurs, (TVA)  ou Denise Bombardier : Il (JFL) a réussi à stupéfier Manon Massé dès le début du débat ce qui a irrité au plus haut point l’animateur Pierre Bruneau….(J de M)
Du point de vue des mouvements de langue Jean-François Lisée a tiré 8 fois la langue à Pierre Bruneau.
Mais Pierre Bruneau n'est pas en reste. Il n'a tiré que deux fois la langue mais ces deux mouvements de langue étaient destinés à Jean François Lisée, une fois en le regardant (1:09:08) et une fois en le nommant (27mns27).
Il n'y a eu aucun échange de mouvements de langue de Pierre Bruneau à l'égard ni de Manon Massé ni de Philippe Couillard, ni de François Legault.  

L’indicateur des mouvements de langue, maintes fois observé en synergologie en situation de débat semble être un indicateur robuste.

A quoi ça sert tout ça ?

Les indicateurs corporels sont des indicateurs fiables parce que le langage corporel est produit de manière inconsciente et ne peut de ce fait, être masqué.
Ils peuvent également montrer que l’agressivité verbale dont on pourrait facilement dire qu’elle est subjective, peut être mesurée à partir de critères positifs (vrai/faux) tout à fait quantifiables, et « réfutables » pour prendre des termes scientifiques.

La langue tirée en fin de phrase pourrait exprimer toute la différence entre l’assertivité de l’argument fort, proféré sans intention de nuire par la parole, et l’agressivité.
Notons que dans le cas de débats politiques, l’intention de nuire est claire. Elle est inscrite dans le principe même du débat, car l’objectif de la joute est évidemment de faire perdre (nuire) des électeurs à l’adversaire et espérer en gagner soi-même.

Ci dessous : les repères temporels de ces protrusions de langue :

Pour plus de netteté : double-cliquez sur l'image

Chefs_2

(1) 4 mouvements de langue longs de la bouche de droite à gauche et de gauche à droite ont été écartés. Ils étaient suffisamment durables pour comprendre qu'ils étaient réalisés de manière consciente. 

(2) Journaux issus de la première page de Google le lendemain du débat : 

Lendemain de débat à TVA: Lisée dénonce la «partie gratuite» de Québec solidaire  : https://www.journaldemontreal.com/2018/09/21/lendemain-de-debat-a-tva-lisee-denonce-le-partie-gratuite-de-quebec-solidaire
Patrick Bellerose

Radio Canada : A campagne agitée, débat musclé :
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1125157/debat-chefs-face-a-face-tva-lcn-couillard-lisee-legault-masse

https://www.journaldemontreal.com/2018/09/21/un-debat-humain
Quelle influence aura ce débat sur le vote ? Denise bombardier

https://www.journaldequebec.com/2018/09/21/jour-j—10–face-a-face-agressif
Marie-Eve Doyon (LCN)

La classification synergologique

La classification synergologique est la seule grille non-verbale répertoriant les micro-attitudes quotidiennes du visage et du corps humain dans le champ de la connaissance. Ellle est disponible pour ceux qui voudraient en comprendre la dynamique,  ici,  en annexe de Turchet (2017) :

https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-01757673/

Cette grille est supportée par une banque de données de vidéos, soit un peu plus de 6000 images dynamiques issues de situations écologiques. Ces vidéos stockées sont classifiées sur la base de l’item à retrouver.

A titre d’information, les banques de données visuelles comparatives sont les banques POFA et JACFEE, toutes deux réalisées par partir d’images statiques de visage uniquement.
POFA : Pictures Of Facial Affects, (Ekman & Friesen, 1976),
JACFEE Japanese And Caucasian Facial Expressions of Emotions, Matsumoto & Ekman, 1988).

Toutes les interprétations synergologiques sont faites à partir de cette grille. Elle permet d'établir une base de comparaison entre les mêmes éléments gestuels effectués par des personnes différentes dans des contextes différents,  et leur discours verbal au moment du geste afin d'en rechercher la signification.

Et pour les spécialistes, ça n’empêche évidemment pas de sélectionner des images fixes de l’apex de l’émotion ou du mouvement au moment du geste classifié. (Ex : L'image au dessus). 

PS : En Synergologie, dans la mesure ou la neuro-imagerie indique que l’activation de zones cérébrales est différente entre la perception des expressions dynamiques et statiques (Grossman & Kegl, 2007), il été fait dès l’origine le choix de n’utiliser que des images vidéos en mouvement.

 

Ekman, P. & Friesen, W.V. (1976). Pictures of facial affect. Palo Alto, C.A.: Consulting Psychologists Press.

Matsumoto, D. & Ekman, P. (1988). Japanese and Caucasian facial expressions of emotion (JACFEE). Unpublished slide set and brochure, San Francisco State University, Department of Psychology.

Turchet, P. (2017).  Identification de ruptures de compréhension dialogique en contexte interculturel à partir d’indices corporels. (Doctoral dissertation, Université, Paris X, Nanterre